Il est urgent qu´un réseau de collecte s´organise et que l´huile soit contrôlée pour son acidité afin qu´elle reprenne sa place sur le marché mondial. La récolte des olives a bel et bien commencé dans les villages avec la collecte des olives tombées sous l´effet des vents. Contrairement aux temps jadis où c´étaient les femmes qui s´occupaient à la maison en triturant elles-mêmes ces olives pour obtenir de l´huile, la modernité aidant, ce sont les huileries, qui très tôt, ont ouvert leurs portes. Les huileries sont légion dans la wilaya, il y a des endroits qui comptent jusqu´à cinq comme la région de Maâtkas. Certaines étant traditionnelles - les broyeurs mus par la traction animale - se comptent sur les doigts d´une seule main tandis que les plus modernes, sont mues par l´énergie fournie par des moteurs. D´autres encore plus modernes, acquises dans les récentes années ont commencé par détrôner les huileries traditionnelles avant de se voir à nouveau délaissées par les paysans. Ces derniers trouvent que l´huile fournie par ces huileries dites modernes n´a plus le goût fruité de l´huile d´olive bien connue des consommateurs. Une huile sentant bon la garrigue et le soleil et qui est recommandée comme médication. Les huileries à traction animale Elles ne sont guère nombreuses, mais elles semblent résister contre vents et marées. Généralement installées dans des constructions en toub ou en pierres sèches, ces huileries respirent bon le travail amoureusement fait et les senteurs de l´huile nouvelle imprègnent les murs. L´huilerie de Dda Moh, dans un petit hameau de Maâtkas est un exemple de propreté, les tas d´olives séparés par des claies en roseau commencent à monter et les fruits brillent doucement au soleil de novembre. A l´intérieur, le vieux aidé par ses fils est aux petits soins pour ses engins. Déjà, lors de cet été, il a nettoyé et ravivé les deux meules, préparé sa presse, lavé les scourtins et réservé les endroits où les citoyens devront déposer leurs olives en attendant la trituration. Dda Moh n´oublie jamais son cheval qui est "tout" pour lui «Je ne le fais jamais travailler, je le réserve juste pour l´huilerie, cela fera, cet hiver la cinquième année qu´il entraîne les meules, il est très puissant et fait très bien son travail.» Dda Moh explique que c´est son quatrième cheval depuis vingt ans. En général, explique-t-il «je les fais travailler cinq à six ans et je les change car, après cela devient trop dur pour eux». Ensuite, le vieux explique l´opération de trituration des olives: «Dans des hottes, je transporte les olives des tas aux meules, une fois les olives triturées, la bouillie tombe dans cette moitié de fût et à partir de là, je remplis les scourtins et les empile sur la presse que je manoeuvre, aidé par mes enfants, pour en extraire l´huile, en versant sur les scourtins l´eau chaude qui sert de liquide de transport de l´huile au petit bassin de décantation, les margines sont refoulées vers ce ravin d´à côté et les grignons sont mis en tas dehors, devant l´huilerie.» Questionné sur le devenir de ces grignons, Dda Moh affirme que «ces grignons servent à alimenter le foyer de cet âtre que vous voyez dans ce coin et qui sert à chauffer l´eau. Des gens se servent aussi de ces grignons pour leurs feux c´est un bon combustible». A propos du rendement des olives, cette année, le vieux dit ne pas avoir commencé le travail de trituration mais «on dit que chez certains, ces premières olives donnent environ 181 litres d´huile par quintal d´olives triturées». Vantant l´huile qui sort de son pressoir, le vieux affirme que «des fellahs ayant déserté auparavant son huilerie reviennent, et en masse, faire triturer leurs olives, il est vrai que l´huile n´a pas le même goût!» Enfin, Dda Moh évoque difficilement «le prix de son travail» en affirmant avec une certaine gêne: «Nous nous faisons payer avec l´huile.» Le Vieux ne veut pas en dire plus. Mais il semble que généralement, c´est selon le nombre de quintaux triturés. Au niveau du lieudit La Gare des Maâtkas, on est admis dans l´huilerie de Saïd, un ancien du métier. Cette huilerie existe déjà depuis les années 50. Deux broyeurs, six à sept presses, le tout mu par un moteur assez puissant. Là aussi, les lieux sont nickel. Saïd est au four et au moulin avec son vieil associé Ammi Ali. Les tas d´olives ne sont pas encore là, ce n´est pas encore le moment, dira un ouvrier qui précise: «Nous sommes en plein nettoyage.» Une vieille plaque d´une ancienne compagnie d´assurances est placardée sur le chambranle supérieur de la porte d´entrée à deux ventaux. Ammi Ali explique: «çà, c´était avant quand on était obligé d´adhérer à une compagnie d´assurances.» Là aussi, les meules sont nettoyées, astiquées et préparées pour la saison, les presses sont également nettoyées et les scourtins lavés, certains remplacés par des neufs. Les huileries modernes Saïd explique comment se fait le travail, pratiquement identique à l´huilerie traditionnelle sauf que les meules sont mues par un moteur et que les presses sont hydrauliques. Selon Saïd «le rendement de ce genre d´huilerie est supérieur à celui à traction animale. D´ailleurs, ces dernières n´existent pratiquement plus. Nous mêmes étions menacés il y a quelque temps par ces huileries importées d´Italie durant les années 80, nous étions presque sur le point de mettre la clé sous le paillasson, mais comme on dit, tout vient à point à qui sait attendre. Depuis quelque temps, c´est le renouveau. On dit et avec raison que l´huile produite par nos huileries est meilleure, plus fruitée et donc mieux recherchée par les consommateurs». A propos des margines qui sont rejetées vers l´oued qui coule en contre-bas, Saïd explique: «On a toujours procédé ainsi depuis les temps des temps, je ne pense pas que l´on pollue outre-mesure.» Hélas! comment expliquer à ce brave homme qu´il se trompe et que ces margines font beaucoup de mal aussi bien aux eaux de la rivière qu´aux berges où souvent elles se déposent. Par ailleurs, les grignons qui sont ici plus conséquents s´entassent devant l´huilerie, Saïd explique que «jadis, une unité existait à Draâ Ben Khedda, elle s´appelait les Huileries et savonneries de Kabylie, elle achetait tous les grignons, extrayant le résidu d´huile, soit pour la commercialiser en second choix, soit pour en faire des savons et employait le reste des grignons, disait-on à l´époque, utilisé pour en faire des tourteaux et distribués aux animaux.» Aujourd´hui, à part le combustible, ces grignons semblent plus poser de problèmes aux huileries que de leur permettre d´avoir quelques sources de revenus. L´autre problème semble être l´écoulement de l´huile. Actuellement, la commercialisation ne semble guère organisée. Des grossistes achètent cette huile et la détaillent par la suite. Il est urgent qu´un réseau de collecte s´organise et que l´huile soit ainsi contrôlée pour son acidité afin qu´elle reprenne sa place, toute sa place sur le marché mondial. Cette année, la récolte s´annonce excellente et les rendements ont l´air d'êtres prometteurs. Mieux récoltées, nettoyées et lavées avant la trituration, les olives sont une source appréciable de revenus, et mieux contrôlée et aussi mieux conditionnée, l´huile pourra redevenir ce qu´elle était, c´est- à-dire une denrée exportable. Sa saveur particulière, son goût fruité et une culture biologique sans compter une trituration qui pratiquement se fait à l´ancienne, plaideront avec un taux d´acidité moindre pour sa conquête des marchés notamment, les marchés européens.