L'oasis de Taghit s'est réveillée, mardi dernier, fraîche et tonique pour accueillir les festivaliers venus concourir pour le sacre du meilleur film. Au programme de la matinée de cette seconde édition, un film dédié au grand cinéaste italien, le père de la Bataille d'Alger, à savoir Gillo Pontecorvo. Accompagnant ce documentaire, Mario Canale et la femme de Pontecorvo sont venus soutenir ce film réalisé l'an dernier. Intitulé Gillo: Le Donne, I Cavalier, l'armi, Gli amori', ce documentaire de 90 minutes décrit, outre la passion du cinéaste pour le cinéma, son goût démesuré pour les femmes. Ce petit bonhomme était un grand séducteur-né qui aimait faire des films utiles dans l'intérêt des autres. Gillo Pontecorvo était un réalisateur qui aimait par-dessus tout la vie et qui oeuvrait pour faire passer son virus du cinéma à la nouvelle génération, mû qu'il était aussi par les nouvelles technologies. Il était le directeur du Festival de Venise et comptait malgré presque 40 ans de carrière, seulement 6 films dont Kapo, sur les camps de concentration nazis (1959), La Grande route bleue avec Yves Montand et Alida Valli (1957) et Queimada! avec Marlon Brando, notamment. Gillo aimait faire des films mais rêvait aussi de faire de la musique d'où sa grande amitié avec le compositeur de musique de films, Ennio Moricone. Au cours du débat, la réalisatrice fera remarquer que ce film a été fait par devoir de mémoire. Un film qui nous a bien éclairés sur les différentes facettes de ce grand réalisateur. L'après-midi a été l'occasion de regarder 7 courts métrages, dont un de l'Algérien Amar Si Fodil, tourné en langue amazighe. Ce film met le doute (son titre) dans l'esprit du spectateur sur la possibilité ou non de l'assassinat d'une femme par son mari. L'image de ce film, qui se veut expérimental, était hélas! mauvaise, mais le film n'était pas suffisamment prégnant. Un peu rebutant sur quelques maladresses du comédien, lui-même réalisateur, qui confie avoir fait le film seul, au milieu du plateau avec une mini-caméra. Un exercice de style donc qui nécessite une petite révision. A côté, y a pas photo. Le film du Marocain Mohamed Nadif, La jeune femme et l'instit se veut une réussite tant sur le plan de la forme que du contenu. Une émotion palpable transfigure le visage des personnages autant que la poésie des textes récités en off qui donnent toute sa mesure de beauté au large panorama envoûtant qui nous est offert en perspective et en arrière-champ. Il est à noter cependant, que Mohamed Nadif est comédien de théâtre, de formation et de profession d'abord, ayant à son actif plusieurs rôles à la télévision et des mises en scène théâtrales. L'instit qui a perdu sa fiancée trop tôt se retrouve ainsi dans la situation douloureuse de cette femme éplorée dont le mari s'est noyé, dans la clandestinité - en partance vers l'Italie. Un peu aliénée, elle espère toujours son retour, via des lettres que ce nouveau arrivé au village lui écrit régulièrement. Kaïka bel krima (10 minutes) du réalisateur Ahmed Magdi, se décline comme dans un rêve, dans un décor fait de poubelles à ciel ouvert, au milieu duquel vivent et s'aiment des couples. Un paradoxe, d'une peinture humaine surréaliste de deux jeunes gens qui dégustent un bon gâteau à la crème en plein centre de cette saleté. Un court métrage qui dévoile un message fort vers lequel tend ce réalisateur. Déroutants, abstraits, poétiques sont ces quelques films ramenés cette année qui dénotent effectivement la volonté de donner une visibilité à des réalités cinématographiques, autres, innovantes et déstabilisantes pour certains. Des visions qui démontrent, si besoin est, le regard de cette nouvelle génération de cinéastes sur le monde et, a fortiori, de l'importance de ce petit format qu'est le court métrage, un produit dont il ne faut pas négliger l'impact. Car des mises en scène, il y en a eu de belles et d'autres de piètre qualité et ce festival est là pour révéler ces talents cachés et les mettre en lumière. Ce dernier mot, magique, qui a aussi sa place et son importance dans la fabrication d'un film, a fait l'objet hier d'un cours donné par le directeur de la photo algérien, Allal Yahiaoui. Autres courts métrages qui ont attiré l'attention: The gentleman de Tallal El Khouri et Eskat de la Tunisienne Faten Hafnaoui qui tentera avec quelques maladresses de parler de la liberté d'expression dans le monde à travers la figure du reporter de guerre et de ce pauvre homme qui a poussé sa vie à se «taire» et qui décide de parler enfin... Un sujet audacieux, mais qui n'ira pas, hélas, jusqu'au bout de ses exigences, pourtant réalisé par une monteuse de profession. Celui du Libanais, tourné en noir et blanc, est porté sur la redondance des gestes quotidiens que fait cet homme inlassablement à chaque réveil. Même si le sujet reste ambigu, la mise en scène, elle, se tient et porte le film au faîte de son émotion. De l'émotion aussi en soirée, avec le long métrage du réalisateur, membre du jury, Richi Mehta. Intitulé Amal, ce film candide évoque, selon le réalisateur, le sens du bonheur, qui n'est pas dans la matière mais plutôt dans la paix de l'âme et la générosité du coeur. En somme, à l'image de ce réalisateur indien vivant à Toronto (Canada). Un garçon au sens de l'altérité débordant et que ce public lui a bien rendu en ouverture de sa projection en lui fredonnant la chanson du film Janitou. Un festival qui commence bien et promet d'autres belles surprises, comme le magnifique concert donné par la troupe de slam algérien, Slaimka.