Dans les faits, aucun de nos clubs ne peut aller réellement vers la professionnalisation de ses rangs. Dans une conférence de presse qu'il a récemment animée, le président de l'Entente de Sétif, Hakim Serrar a annoncé que son club allait s'ériger en SPA (société par actions). Ce n'est pas le première fois qu'il s'exprimait de la sorte, de même qu'il n'est pas le premier des présidents à dire que son club va s'engager dans la voie du professionnalisme. Il reste que c'est une approche et qu'il faudra bien lui accorder l'importance voulue même si, à la longue, cette notion de professionnalisme est devenue galvaudée chez nous tant on s'en sert en toute occasion comme pour montrer que l'on est doué d'un esprit d'entreprise et que l'on cherche à aller de l'avant. Au lendemain du désengagement des entreprises publiques de sa prise en charge, le sport algérien a, pratiquement, été livré à lui-même. C'est à sa base, au niveau des clubs, que tout a été, essentiellement, faussé puisque les pouvoirs publics, qui avaient le devoir d'assurer la transition, auraient dû ériger des garde-fous suffisamment efficaces pour éviter que ces clubs ne tombent entre les mains de gens sans scrupules, des gens dont le seul but est de se servir plutôt que de servir. Or, c'est bien à la base que s'élabore la réussite d'un système sportif. Si la base est dévoyée, il n'y a rien de positif à attendre en retour, même si au sommet de ce système vous trouvez des gens à la compétence avérée. Si le sport algérien périclite et ne semble pas près de retrouver sa splendeur, c'est parce qu'on a échoué dans la politique de formation et de renouvellement des élites. Cette mission échoit, avant tout et surtout, aux clubs, véritables socles de la pyramide. Si ces clubs sont livrés à des quidams, l'espoir de voir le secteur rebondir est quasi nul. Plutôt que de s'occuper, en priorité, des Fédérations sportives au lendemain de la promulgation de la loi 89-03 sur le sport, les pouvoirs publics auraient gagné, et le sport avec eux, à se pencher sur le cas des clubs de manière à leur offrir un cadre de gestion à même de leur garantir une activité saine essentiellement tournée vers la formation et le développement. Au lieu de cela, on a laissé faire au point de voir le sport le plus populaire, le football, gangrené par une frange de dirigeants aux intérêts sordides. La chance de ces derniers est d'avoir «pris le pouvoir» au début de la tragédie nationale, celle des années 90 lorsque le pays faisait face au terrorisme, à un moment où les autorités n'avaient pas tellement le temps de s'occuper de sport et de demander des comptes au centime près. Les années passant, on est parvenu à une sorte d'anarchie au niveau de ces clubs, dont certains brassent des milliards de centimes émanant, dans une large partie, du Trésor public. Ceux qui agiteront le sponsoring pour démentir cela et faire valoir le peu d'assistance qu'ils bénéficient de la part de ce Trésor, doivent savoir que le sponsoring sportif en Algérie est codifié, en ce sens qu'il est plafonné et que ceux qui y participent bénéficient, dans leur déclaration fiscale annuelle, de la déduction de l'argent qu'ils investissent dans de telles opérations. Si ce n'est pas là une aide indirecte de l'Etat, on se demande ce que cela peut être. On se retrouve, aujourd'hui, avec un sport affaibli et un football avili par des pratiques que l'esprit sportif d'équité réprouve, des pratiques où il est question de marchandage de matchs, de joueurs, de dirigeants et d'arbitres. Dire que le championnat algérien de football est décrédibilisé n'est pas une vue de l'esprit, mais un fait avéré. Le drame est que rien n'est venu en compensation de cette situation, puisque aucun de ces clubs gérés à l'emporte-pièce ne peut faire état d'un patrimoine qui lui est propre. Il se trouve même des clubs qui n'ont pas de terrain pour les entraînements de leur équipe seniors pour vous donner un aperçu de ce que peuvent endurer, quotidiennement, les catégories de jeunes. C'est dans un tel marasme que l'on cherche à implanter le professionnalisme dans le football algérien, un professionnalisme reconnu de fait par certaines des dispositions de la loi 04-10 sur le sport et consacré par les textes du décret exécutif 06-264 du 8 août 2006, déterminant les dispositions applicables au club sportif professionnel et fixant les statut-types des sociétés sportives commerciales. Là aussi les pouvoirs publics ont échoué dans la mesure où ils n'ont presque rien fait pour placer ces clubs dans des conditions de pré-professionnalisme. Ce à quoi on va assister, à une précipitation dans les actes où des erreurs seront forcément commises. Car il faut bien comprendre, que le professionnalisme dans le football, on ne peut y échapper ne serait-ce que parce que c'est une obligation imposée par la FIFA. En effet, le Congrès de cette dernière, réuni à Zurich en 2007, a adopté les recommandations des commissions finances, politique et compétitions de la Task Force, par lesquelles il sera demandé aux fédérations qui lui sont affiliées de délivrer des licences aux clubs professionnels. Ces licences ne seront obtenues que sur la base de certains critères que la Fédération internationale a arrêté. Ces critères obéissent à une démarche basée sur la bonne gouvernance mais surtout sur la transparence, notamment celle relative au financement. Une éventualité qui risque d'obliger des responsables de clubs à grincer des dents, eux qui ont horreur que l'on sache comment ils gèrent leurs clubs. Il serait, donc, opportun de se focaliser dès maintenant sur ce problème, car à terme, le club qui ne répondra pas aux conditions édictées par la FIFA n'ouvrira pas droit à la licence et ne pourra prendre part à aucune compétition internationale. On voit d'ici ce qu'une telle situation pourrait provoquer. Pour éviter un tel désagrément, le mieux serait de songer à imiter ce qui a été fait ailleurs, notamment en Tunisie, en optant pour le choix d'une douzaine de clubs que l'on pourrait ériger en «sociétés de professionnels», des clubs qui évolueraient dans une superdivision, au-dessus de l'actuelle division1. Il est tout à fait évident que ces associations sportives seront accompagnées dans leur mise en place dans le professionnalisme par les pouvoirs publics qui leur donneront les moyens de se développer. Selon les dispositions de la FIFA, les clubs ont jusqu'à 2011 pour se mettre en conformité avec ces directives. Cela veut dire que le ministère de la Jeunesse et des Sports de concert avec la FAF, doit dès maintenant songer à ce problème. Partant de là, on peut considérer la décision des dirigeants de l'Entente de Sétif comme allant dans le bon sens tout en sachant qu'il restera à définir les contours de la démarche, étant entendu que le décret 06-264 ne donne pas tous les éléments de réponse.