Tout procède du politique et tout y revient. Aujourd'hui et durant quatre ou cinq jours, commencent les épreuves du baccalauréat session 2001-2002, pour les 489.016 candidats qui tenteront de décrocher le quitus pour l'université. Selon les statistiques établies par les services de Benbouzid, le ministre de l'Education, le demi-million de candidats qui vont passer cet ultime examen avant les études supérieures, se repartit en plusieurs catégories. 354.962, soit 72,59% sont scolarisés contre 134.054 candidats libres, soit 27,41%. 213.121 candidats sont des garçons, à savoir 43,58%, et donne plus de chances aux 275.895 filles de passer en force. Les matières littéraires ne sont plus à l'honneur. Les élèves sont plus rationnels cette année, avec 145.833 candidats qui ont choisi la branche «sciences de la nature et de la vie», contre 99.571 seulement qui sont inscrits dans la filière «littérature et sciences humaines». Suivent «gestion et économie» avec 24.944 candidats, les «sciences islamiques» avec 18.698 candidats, 9971 pour les «sciences exactes», 9578 pour les «langues vivantes», 5455 «électricité», 4364 «mécanique», et enfin, 4192 pour le «génie civil». Le taux a évolué de 2,03% par rapport à la session du «bac 2001» avec 9756 candidats de plus. Les impératifs de la crise sociale semblent évidents ave aux d'augmentation de 3,54% de candidats libres, soit 4585 de plus que lors de la session du «bac 2001». Cela induit que nombre d'élèves préfèrent ou sont contraints de s'orienter vers le marché du travail. Un important dispositif structurel et organisationnel a été mis en place par le ministère de l'Education, aussi est-il constaté que ce sont les walis eux-mêmes qui auront à charge de contrôler l'organisation de la présente session, qui s'étalera sur quatre ou cinq jours (du 8 au 12 juin) selon les branches. Les directeurs de l'éducation des wilayas auront à animer des cellules de suivi des opérations au niveau de chaque wilaya, et enfin, une cellule centrale a été mise en place au niveau de l'Office national des examens, et qui mènera son travail de bout en bout - examen et correction - et ce, jusqu'au 15 juillet prochain. Au-delà de l'aspect technique de la session du bac de cette année, il faut relever qu'elle intervient dans un contexte très marqué par la «guerre de sous-sol» qui oppose réformateurs et traditionalistes. Les premiers, par l'intermédiaire de Benzaghou, et l'équipe qui a participé à la rédaction du rapport final de la Commission nationale de la réforme du système éducatif, ont frappé très fort pour moderniser l'école, jugée «sinistrée» et «véritable vivier du fondamentalisme». Les seconds, par un forcing mené par les partis islamistes, le MSP, le MRN, Ennahda, Rabitat Nidâ El-Ouma (des oulémas d'obédience badissienne), ainsi que par l'apport des anciens caciques du FLN (Benmohamed, Taleb...) tentent de s'opposer à ce rapport, qualifié d'«assemblage d'idées antinationales et antimusulmanes qui n'a respecté ni les constantes de la ouma ni l'ancrage socioculturel de son peuple». Un premier opuscule portant sur l'éducation civique et qui a été édité récemment, semble porter la «griffe» des réformateurs. Les thèmes se rattachant au djihad ont été censurés et les textes religieux «expurgés» de toute connotation non conforme à l'esprit de tolérance «en vogue». Mais le blocage, à ce jour, du rapport Benzaghou permet de situer la force des opposants et l'ampleur des enjeux idéologiques et politiques qui le sous-tendent. En fait, le projet de réforme du système éducatif reste à redéfinir, non par rapport aux données contextuelles et aux tiraillements conjoncturels, mais par rapport à ce que veut l'Algérie pour son avenir. Comment veut-on que nos enfants soient demain? Quel profil aura l'intellectuel de 2020? Quelle école voulons-nous, et pour quel projet de société allons-nous opter? Or, il semble bien que l'on n'est pas encore à ce stade d'idées. Faut-il encore réformer l'école étatique ou privatiser l'enseignement? Que veut l'Etat que son enseignement soit? A orientation touristique, industrielle, agraire? En fait, nous n'avons même pas encore établi un constat objectif de ce qu'il faut réformer ou garder en l'état. En réalité, le fait est là: en Algérie, tout procède du politique et tout y revient. Les enjeux politiques qui sous-tendent l'enseignement vont encore interdire toute réforme. Tout comme les rapports de force et les jeux d'équilibre entre des nationalistes prudents, des islamistes hégémonistes dans l'éducation et des réformateurs «à l'occidentale» puissants, mais ultraminoritaires, comme le prouve leur score à chaque élection.