Les signes ne sont guère trompeurs, le tandem Bouteflika-Ouyahia est fait pour durer encore, le temps d'un troisième quinquennat. La désignation de Abdelmalek Sellal, un des membres fondateurs du Rassemblement national démocratique, comme directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika, laisse présager que le président de la République n'est pas près de se séparer de son actuel Premier ministre. Cette hypothèse est confortée par un autre indice de taille. Le ministre sera probablement très fortement secondé par un autre poids lourd de la formation politique de Ahmed Ouyahia. Il s'agit de Abdeslam Bouchouareb qui a notamment occupé le poste de ministre de l'Industrie et de la Restructuration de 1996 à 1997 et celui de délégué auprès du chef du gouvernement entre l'année 2001 et l'année 2002. Il faudrait de fait s'attendre à ce que le RND joue un rôle de premier ordre au cours de cette campagne présidentielle d'avril 2009 afin de reconduire confortablement Abdelaziz Bouteflika, qui reste le grand favori de cette élection, au palais d'El Mouradia. Il faut toutefois signaler que cette action du Rassemblement national démocratique, aussi vigoureuse soit-elle, s'inscrit dans une action collective, celle de l'Alliance présidentielle. Quoi qu'on en dise, cette dernière a la particularité, qui est souvent oubliée d'être signalée, d'être représentative de la classe politique algérienne puisque qu'elle renferme au moins trois courants (islamistes, conservateurs et démocrates). C'est-à-dire autant de partis (FLN, RND et MSP) que contient ce pôle politique qui a pour mission de mener à bien le plan de développement économique initié par le président de la République. Et c'est en son sein qu'ont été puisés puis désignés les différents chefs de gouvernement successifs depuis la première accession de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême en 1999, excepté la parenthèse Ahmed Benbitour, jusqu'à la toute récente révision de la Constitution qui a vu la naissance du poste de Premier ministre. Depuis son retour aux affaires de l'Etat, sa nomination puis sa reconduction à la tête de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia est apparu comme l'homme clé du président de la République. Une pièce maîtresse dans les objectifs à atteindre par Abdelaziz Bouteflika dans la perspective de son troisième quinquennat. Ils doivent se traduire sur le terrain par des avancées sociales probantes et surtout répondre aux attentes des citoyens. Préservation du pouvoir d'achat, crise du logement et surtout résoudre ou du moins apporter des réponses au malaise que vit la jeunesse algérienne, celle que l'on affuble de ce redoutable vocable: harraga. Le Premier ministre l'a tout simplement qualifié de tragédie nationale. Tandis que son rival du Front de libération nationale, Abdelaziz Belkhadem, ainsi que d'ailleurs le ministre de la Justice, garde des Sceaux, semblaient vouloir jeter l'éponge face à un phénomène qui devenait de plus en plus dramatique. Et quand l'on sait l'importance accordée aux générations futures par le Président Bouteflika, l'on peut tout de suite deviner combien le Premier ministre et le chef de l'Etat sont à ce sujet sur la même longueur d'onde. Il faut aussi admettre que le retour de Ahmed Ouyahia aux affaires de la nation s'est fait au moment où la conjoncture économique commençait à devenir particulièrement défavorable. Certes, le Premier ministre a bénéficié d'un environnement relativement assaini puisque la dette extérieure a été réduite à son plus bas niveau depuis des lustres, 4,5 milliards de dollars. Il dispose en outre d'une embellie financière historique, un matelas financier de l'ordre de 140 milliards de dollars. Le Premier ministre ne jubile pas pour autant. Lors du troisième congrès de son parti, il avait attiré l'attention sur la grave dépendance de l'économie nationale des seules recettes engrangées par le secteur des hydrocarbures. Le temps lui a donné raison. Dès la mi-juillet 2008, la dégringolade des prix du pétrole fut spectaculaire. De 147 dollars, ils flirtent désormais dans les meilleurs des cas avec la barre des 40 dollars. Dans la foulée, le Président Bouteflika a mis en garde ses ministres contre la dilapidation des deniers publics. Le constat établi par le premier magistrat du pays a été sans détours: «Nous allons droit dans le mur», avait déclaré Abdelaziz Bouteflika au lendemain de la nomination de Ahmed Ouyahia comme chef du gouvernement. Ce constat sonnait comme un aveu d'échec de la politique menée par le gouvernement Belkhadem. Contrairement à son prédécesseur, le secrétaire général du RND est réputé pour son pragmatisme, ses prises de position qualifiées d'impopulaires qu'il assume avec un cran que peu d'hommes politiques possèdent. Que des personnalités proches de lui aient été sélectionnées par Abdelaziz Bouteflika pour mener sa campagne n'a rien de surprenant dans ce cas-là. Les deux ou trois années à venir seront frappées du sceau d'une redoutable récession de l'économie mondiale. Ahmed Ouyahia est tout indiqué pour driver la prochaine équipe gouvernementale en ce temps de vaches maigres qui s'annonce.