La première bataille démarre sur les chapeaux de roue. Des consortiums et autres projets sont ainsi mis sur pied afin de permettre aux pays producteurs et exportateurs de gaz de maintenir et même d'élargir leurs parts de marché dans l'espace européen, maintenant ouvert à la concurrence. La Russie, l'une des principales sources d'approvisionnement de l'Europe avec l'Algérie et la Norvège, vient justement de signer un accord de coopération avec l'Ukraine et l'Allemagne pour développer un réseau de gazoducs, qui acheminerait le gaz russe vers l'Europe. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement Poutine ne semble point hésiter sur les moyens. Pas moins de 2,5 milliards de dollars serviront ainsi à la restauration du réseau existant tandis que 15 milliards de dollars environ seront investis pour son élargissement. Un contrat qui témoigne bien de la volonté des Russes d'augmenter davantage le volume de leurs exportations et de diversifier leurs partenaires de sorte que cette capacité d'exportation comble, en temps voulu, la baisse appréhendée des prix du gaz. Une baisse qui sera due notamment à la création de marchés «spot» où les contrats à court terme remplaceront les contrats traditionnels dits «take or pay». L'Algérie, pour sa part, compte également augmenter ses exportations en gaz de 60 à 85 milliards de m3. Dans cette perspective, un nouveau gazoduc reliera directement l'Algérie à l'Italie, en passant par la Sardaigne, de même qu'un autre joindra Beni Saf à la ville espagnole d'Almeria. Deux gazoducs qui permettront alors d'exporter davantage de gaz, mais qui, toutefois, l'achemineront vers un marché européen, somme toute, contrarié par une dérégulation trop rapide. En effet, les contrats à court terme qui remplaceraient, progressivement, les contrats à long terme conduiront, selon les experts, à une plus grande flexibilité dans les volumes contractuels, mais également à une volatilité intense au niveau des prix. Une situation qui mettrait mal à l'aise les producteurs de gaz, ceux-là mêmes qui supporteront désormais et le risque «volume» et le risque «prix», et qui conduirait, selon ces mêmes producteurs, à moins de sécurité au niveau de la régularité de l'approvisionnement et à «une perte de confiance dans la capacité de l'industrie gazière à répondre aux besoins qui s'expriment». Ces arguments devaient, en définitive, amener la Commission européenne à réviser la directive gaz en faveur des contrats à long terme de sorte que les investissements engagés par les pays producteurs, tout au long de la chaîne gazière, soient finalement amortis. Seulement voilà, lundi, la Commissaire européenne chargée de l'Energie, Mme Loyola de Palacio, a soumis à la Commission une proposition «visant à centraliser au niveau européen la gestion des stocks stratégiques de pétrole et de gaz des Etats membres». De ce fait, les risques d'approvisionnement, longtemps appréhendés, seront réduits à leur plus faible manifestation puisque les stocks stratégiques de pétrole des Etats membres passeront à 120 jours de consommation contre 90 aujourd'hui et seront, également, gérés «selon une stratégie définie à l'échelon européen». Une proposition qui, si elle est adoptée, confortera la directive gaz et poussera peut-être les pays producteurs, dont l'Algérie, à maximaliser, malgré tout, les quantités exportées et à supporter des baisses de prix significatives. L'autre option, «d'aller vendre notre gaz ailleurs», comme l'a si bien suggéré M. Chakib Khelil, et qui ressemblait à «une roue de secours» semble être, aujourd'hui, écartée depuis que les projets sont beaucoup plus orientés vers le nord de la Méditerranée que vers le reste du monde.