Le père de l'Opium et le bâton a été aussi un écrivain fécond et un grammairien de talent pour tamazight. A l'orée d'un printemps, l'amusnaw a fait la traversée, le chêne a été abattu par une branche d'arbre détachée par le Foehn, ce vent mauvais venu d'outre-tombe emporter Da Lmulud vers les poètes kabyles anciens. Cheikh Mohand Oulhocine et Si Mohand le barde errant qui s'éteignit en 1906 à l'hôpital de Aïn El Hammam, attendaient certainement l'écrivain qui a su ressusciter et donner une éternité à leurs dires et à leur poésie. Ce 26 février de 1989, la nouvelle qui atterrit à l'université de Tizi Ouzou d'abord, et qui a ensuite gagné aussi bien les coeurs que les esprits des populations, a fait l'effet d'une bombe dans une atmosphère des plus électriques. Celui qui avait fait la traversée, repose depuis du Sommeil du Juste dans un coin de cimetière de cette Colline oubliée dont il a su revivifier les bons et difficiles moments. Mammeri puisque c'est de cet écrivain fécond qu'il s'agit, a laissé une trace indélébile dans les coeurs et les esprits, lui qui a consacré sa vie à la reviviscence de tamazight et de la littérature orale Kabyle et qui a su aussi nous donner de belles pages sur le Sud avec notamment l'Ahellil du Gourara. Des anciens bardes et poètes, il a su restituer de belles poésies de Cheikh Mohand Oulhocine, ce sage qui est entré dans la légende locale et du barde errant Si Mohand ou Mhand, ce poète courtois que la région révère encore. Comme Mammeri a su nous rapporter les dires de ces autres poètes de la région: Ali Ou Ferhat de Bou Hinoun et des Aït Djennad. Le père de l'Opium et le bâton celui qui fut insulté et traité de tous les noms dans les peu glorieuses pages d'El Moudjahid lors du Printemps amazigh, a été aussi un écrivain fécond et un grammairien de talent pour tamazight. En effet, outre Ameur des Arcades, le Zèbre et aussi le Foehn, Mammeri n'a pas oublié de se consacrer à tamazight en rédigeant un précis de grammaire (Tajarrumt nTmazight). La mauvaise nouvelle qui s'était abattue en ce 26 février, à la porte d'un printemps, sur la Kabylie, a été des plus douloureuses. Alors, de tous les côtés, des villes et des villages éloignés ou des environs, des foules d'hommes et de femmes se rendirent à la Colline oubliée en hurlant de douleur. Tous voulaient rendre les derniers hommages à l'amusnaw mais tous voulaient que la nouvelle fut fausse et se mettaient â prier que le grand homme ne soit pas mort. Mais hélas, la vie a de ces tours. Mammeri est bel et bien mort, et dans la mort le grand homme devint un géant. Feu M.Djender devait en prononçant l'oraison funèbre, retracer la vie et l'oeuvre en filigrane de feu Mammeri. Il devait s'écrier dans un kabyle parfait: «Les Aït Maâmar ont Mouloud et Mouloud a Imazighene!» La foule est parcourue par un frisson et plusieurs pour ne pas dire tous ont eu des larmes. Oui finalement Dda Lmulud est bien mort. Certains du MCB se remémoraient, en ces lieux, des oeuvres de l'amusnaw et aussi de certaines de ses réflexions comme ils citent ainsi l'entretien accordé à Pellegrini où Mammeri disait que son arbre préféré est l'olivier, cet arbre au tronc noueux et qui a choisi de donner ses fruits en hiver et quand il faut aller à la récolte, il faut traverser des rivières... Ce bel éloge de l'olivier est un morceau des plus beaux comme est belle la lettre adressée à Mohand Amusnaw, un véritable morceau d'anthologie sur le savoir et la sagesse. Mouloud Mammeri est peut-être mort, mais en réalité il est toujours vivant dans les coeurs comme il se plaisait à le dire de son vivant «Illa Ullbead illa ulacit et ïlla ulbead ulacit illa!» (Il y a des gens qui sont vivants et qui sont comme morts et d'autres qui sont morts et toujours vivants!)