Dans une société en perte de repères, le voile est perçu comme un élément protecteur et libérateur. «Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis» disait Paul Eluard. Près de huit femmes sur 10 et six adolescentes sur 10 portent le hidjab. La tendance au sein de la société est vers l'uniformisation de la tenue vestimentaire féminine. C'est ce qu'a révélé l'étude sur la «connaissance des droits des femmes et des enfants: opinions, attitudes des Algériens adultes et adolescents» effectuée par le Centre d'information sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef). L'idée répandue est que le dogme religieux et le poids de la tradition sont les facteurs qui favorisent le plus le port du voile au niveau des groupes sociaux algériens. Sauf que la rigueur scientifique ne s'encombre pas de préjugés. Ainsi, il est démontré que souvent, les femmes et les adolescentes portent le hidjab pour...pouvoir circuler librement. D'autres femmes ont affirmé qu'elles se voilent «parce que tout le monde le fait». Par «mimétisme», les femmes portent le hidjab pour se conformer aux règles de l'entourage. Pour sa part, Me Nadia Aït Zaï, présidente du Ciddef considère que «le port du hidjab est perçu comme un signe, à la fois protecteur et libérateur. Protecteur parce qu'il est érigé par la société, notamment par les parents, comme un mécanisme de défense afin de protéger leurs filles d'éventuelles agressions auquelles elles sont exposées une fois qu'elles aient quitté le cadre familial. Libérateur car il offre aux femmes la possibilité de sortir de chez elles». Cette perception est remise en cause par Me Aït Zaï qui a estimé que «la protection des citoyens, hommes et femmes, échoie aux institutions du pays». Décryptés, les propos de Me Aït Zaï mettent l'accent sur un problème de fond: la liberté conditionnelle accordée à la femme dans une société écartelée entre une ghettoïsation sécurisante mais, stérilisante et une importation effrénée de concepts occidentaux «clefs à la main». Pourtant la femme demeure le vecteur principal de notre culture orale. A ce titre, M.Belhouas, marié et père de deux filles, a ciselé cette citation lourde de sens: «Sois une femme et élève le monde, sois un homme et soulève le monde.» Parmi les raisons qui poussent les femmes à porter le hidjab, l'étude du Ciddef a énuméré «les obligations familiales» et, fait révélateur, «l'influence des médias». Ainsi, deux femmes et deux adolescentes sur 10 ont avoué avoir porté le hidjab sous l'influence des émissions les ayant invitées à le faire. Sur une échelle descendante, un tiers de femmes et 24% d'adolescentes ont cité d'autres facteurs qui les ont déterminées à se voiler. Il est question d'arguments religieux, de la nature pudique de la tenue et de la tradition. Par ailleurs, le terrorisme, quoi que l'on dise, semble avoir joué un rôle secondaire dans le choix de la tenue vestimentaire chez les femmes. Un autre indice révélateur, le hidjab traditionnel semble céder du terrain au hidjab actuel. Sur ce plan, l'enquête a révélé que 40% des femmes âgées entre 40 et 69 ans ont troqué le haïk contre le djilbab. Cela dit, la question du port du hidjab renvoie à l'impératif d'une définition honnête et sereine de l'identité nationale. Donc, le problème est essentiellement culturel.