L'agitation actuelle autour du Darfour ne semble pas aussi innocente que l'on veut bien nous le faire croire. Le président américain, Barack Obama, vient de mettre les pieds dans le plat, se faisant le porte-parole de la «communauté internationale» en fustigeant durement le Soudan, après l'expulsion d'ONG, accusées par Khartoum de collaborer avec l'étranger, déclarant: «Combien il est important de notre point de vue d'envoyer un message international fort et uni et de dire qu'il n'est pas acceptable de mettre en danger tellement de gens, que nous devons être en mesure de faire revenir ces organisations humanitaires sur le terrain.» Ces déclarations ont été faites après un entretien, à la Maison-Blanche, avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon Le président Obama trouve ainsi «inacceptable» la décision du gouvernement soudanais d'exclure 13 ONG sur les 105 présentes au Soudan, travaillant au Darfour, lieu de tensions mais, surtout, de convoitises des puissances étrangères. Cette mesure prise par les autorités soudanaises fait suite au mandat d'arrêt international lancé par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M.Moreno-Ocampo, à l'encontre du président soudanais, Omar el-Bechir. Ce dernier est accusé de «crimes de guerre» et «crimes contre l'humanité». Dès lors, cette fermeté affichée par le président américain laisse planer le doute sur les motivations réelles de «la politique du fait accompli» que l'administration Obama compte suivre dans les régions conflictuelles, notamment le continent africain. En effet, par quelle incantation politico-juridique l'administration démocrate s'est-elle retrouvée à «oeuvrer aussi activement que possible avec les Nations unies pour essayer de résoudre la crise humanitaire immédiate et nous remettre sur la voie de la paix et de la stabilité à long terme au Soudan», comme l'a affirmé Barack Obama au secrétaire général des Nations unies? Il faut dire que ce souci humanitaire qui honore le président américain aurait été plus en phase avec l'actualité internationale s'il y avait associé le peuple palestinien, qui vit une situation dramatique, notamment à Ghaza, aggravée par l'agression israélienne contre ce territoire en décembre et en janvier derniers. Ce deux poids, deux mesures, reste d'autant plus inacceptable que le gouvernement américain qui lui-même réfute la compétence de la CPI à laquelle il n'adhère pas, ne semble pas par ailleurs habilité à défendre la cause d'une ou de plusieurs ONG, au risque de jeter la suspicion sur la fonction réelle de ces dernières. Lors de l'agression de la bande de Ghaza par Israël, le chef de la diplomatie française n'a-t-il pas affirmé qu'il était «informé» de la situation dans ce territoire par les ONG qui y travaillaient, soulevant un tollé parmi ces organisations humanitaires. Le Soudan, pays africain riche en pétrole, suscite en fait de plus en plus l'intérêt et l'on a supposé que les événements certes tragiques du Darfour, semblent mis à profit par certains gouvernements pour tenter d'y établir une présence militaire. Cela d'autant plus que Washington cherchait, de longue date, à établir une force américaine dite «Africom» dans le Sahel. Et la crise du Darfour pourrait bien ouvrir des perspectives dans ce sens. Cette option n'est pas à écarter, surtout après le retrait des militaires américains de l'Irak et le changement de ton, notable, vis-à-vis de l'Afghanistan. Sur cette dernière question, le secrétaire d'Etat à la Défense, Robert Gates, avait déclaré à la radio publique américaine, NPR: «Je dirais qu'au minimum, la mission est d'empêcher les taliban de reprendre le pouvoir des mains d'un gouvernement démocratiquement élu (...) et de transformer ainsi à nouveau l'Afghanistan en un refuge potentiel pour Al Qaîda et d'autres extrémistes.» A la question de savoir la possibilité d'engager des négociations avec «certains éléments taliban», le secrétaire d'Etat américain s'est contenté d'évoquer une «révision» de la stratégie militaire américaine dans la région. Cette révision ne peut être dissociée du contexte international frappé d'une crise qui appelle des positionnements stratégiques à même d'assurer la sécurité énergétique des puissances étrangères, à leur tête les Etats Unis. Il en va de leur sécurité nationale. La crise économique mondiale touche de plein fouet l'Afrique et favorise la déstabilisation politique des Etats de ce continent. La Mauritanie, le Zimbabwe, la RDC et, plus récemment, Madagascar, vivent des crises politiques qui semblent s'inscrire dans la durée. Fait curieux, l'instabilité politique qui semble prendre des proportions endémiques en Afrique s'inscrit en pleine mire de l'étude présentée, dernièrement, par Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), à Washington. Pis, le FMI et la BM sont soupçonnés, par les Etats africains, d'agir selon les injonctions voire, les inserts des pays industrialisés dont les USA. Nous y voilà donc, l'administration Obama compte accaparer le marché africain quitte à opter pour la solution militaire. Autant dire que l'agitation actuelle autour du Darfour ne semble pas aussi innocente que l'on veut bien nous le faire croire.