Dans une résolution adoptée à la majorité, le Conseil de sécurité exige du Soudan de mettre un terme aux atrocités au Darfour. Après plusieurs semaines d'attentisme, les Nations unies sont passées à l'action par l'adoption de la résolution 1556 qui exige de Khartoum de faire cesser sans délai les atrocités commises contre les populations du Darfour. Sans qu'il ne soit mentionné d'éventuelles sanctions contre le Soudan, les observateurs estiment toutefois que le ton de la résolution équivaut à une mise en demeure et le fait que Khartoum dispose de 30 jours pour s'exécuter est en soi interprété comme le dernier avertissement avant la prise de décisions plus coercitives. La résolution n'écarte pas le recours aux sanctions du fait que «d'autres mesures» sont envisagées à l'encontre de Khartoum «notamment celles prévues à l'article 41 de la Charte des Nations unies», mesures «n'impliquant pas l'emploi de la force armée». Aussi, le Conseil demande-t-il à Khartoum d'honorer son engagement pris le 3 juillet dernier auprès du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, lors de la visite de ce dernier au Soudan, à propos du désarmement des milices djandjawids, ainsi qu'il exige que le gouvernement soudanais arrête et juge les responsables des atrocités au Darfour. Khartoum a rejeté hier la résolution votée dans la soirée de vendredi par le Conseil de sécurité, la jugeant «inappropriée». Le porte-parole du gouvernement soudanais, Al-Zahawe Ibrahim Malik a ainsi déclaré que «la résolution est inappropriée» indiquant que celle-ci «(...) se concentre davantage sur les djandjawids que sur les opérations humanitaires ou sur les milices rebelles» ajoutant que «le Conseil de sécurité, parallèlement, n'a pas prêté attention aux activités des rebelles qui gênent les opérations humanitaires au Darfour». Certes, mais il semble bien que le principal grief fait à Khartoum est celui de n'avoir pas fait grand-chose, ou de ne s'être pas empressé pour mettre un terme aux activités criminelles des milices pro-gouvernementales «djandjawids» qui continuent à razzier la population locale, alors même que le président Omar Hassan El-Béchir en a pris l'engagement lors de sa rencontre, au début du mois dernier, avec le secrétaire général de l'ONU qui a fait le déplacement spécialement pour s'enquérir de la situation au Darfour. De fait, selon l'ONU le conflit a déjà fait entre 300.000 et 500.000 victimes au Darfour depuis le début de la rébellion en février 2003. On compte également 1,2 million de personnes déplacées et 200 000 autres ont trouvé refuge au Tchad. La rébellion est menée par le Mouvement de libération du Soudan (MLS) et par le Mouvement de la justice et de l'égalité (MJE) selon lesquels la population du Darfour, en majorité noire, est «marginalisée» dans les plans de développement du pays. En fait, Khartoum qui a fait montre de beaucoup de laxisme dans cette affaire, est accusée par la communauté internationale de n'avoir pas pris les décisions que la situation alarmante dans la province du Darfour exigeait. Appuyant la résolution dont son pays est l'auteur, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a invité hier le Soudan à la mettre rapidement en oeuvre, indiquant: «J'espère que le gouvernement soudanais profitera du temps qui lui est imparti par la résolution pour faire tout ce qu'il peut pour mettre les djandjawids sous contrôle». En fait, l'ensemble de la communauté internationale estime désormais, que le principal obstacle au retour à la paix dans cette région de l'ouest du Soudan est bien l'existence de cette milice pro-gouvernementale, les djandjawids, qui font régner la terreur au Darfour. Or, Khartoum ne donne pas l'impression d'être pressée de mettre un terme à l'activité de ces milices qui ont acquis une sinistre réputation. Ainsi, l'étau se resserre sur Khartoum, et plusieurs pays occidentaux ont annoncé leur intention d'envoyer des troupes «humanitaires» au Darfour. Toutefois, le Soudan qui a décrété la mobilisation générale mardi dernier, est, depuis quelques jours, sur le pied de guerre, le ministre soudanais de l'Agriculture Majzoub Al-Khalifa Ahmed, allant jusqu'à avertir que «le gouvernement traitera de manière appropriée tout soldat (étranger) qui mettra le pied au Soudan». En fait, la France, la Grande-Bretagne et l'Australie se disent prêtes à envoyer des forces militaires «humanitaires» au Darfour. Ainsi, le président français Jacques Chirac a demandé vendredi «une mobilisation des moyens militaires français positionnés au Tchad». De fait, les choses s'accélèrent l'Union africaine, à partir de son siège à Addis Abeba faisait savoir de son côté que 308 soldats africains sont prêts à prendre position au Darfour, indique un responsable du Centre de gestion des conflits de l'UA, le colonel Jaotody Jean de Matha qui précise «le gouvernement des Pays-Bas fournit des avions pour transporter la force de protection, forte de 308 hommes, pendant la première semaine d'août». Alors que Khartoum avait 90 jours pour éliminer les milices, la voilà sommée d'arriver au même résultat au bout de 30 jours. Ainsi, le Soudan est-il pris au piège de ses propres tergiversations.