Washington prend de nouvelles sanctions contre Khartoum au moment où Paris veut ouvrir un «corridor humanitaire» vers le Darfour. La question du Darfour est revenue au premier plan après la décision de l'administration Bush de prendre de nouvelles mesures contre le Soudan. Le président américain, George W. Bush, mettant directement en cause le président soudanais, Hassam Omar Al-Béchir, coupable selon lui, «d'obstruction» aux efforts internationaux pour venir en aide au Darfour, a annoncé hier de nouvelles sanctions américaines contre le Soudan. «Les agissements du président Al-Béchir au cours des dernières semaines prolongent une attitude que nous connaissons depuis longtemps et qui consiste à promettre de coopérer tout en recherchant de nouveaux moyens de faire obstruction», a déclaré M.Bush, qui a de nouveau parlé de «génocide» en cours dans cette région de l'ouest du Soudan. Dans sa déclaration, le président américain a également indiqué que les Etats-Unis vont «renforcer des sanctions déjà existantes»: ils vont ajouter 31 nouvelles compagnies soudanaises à la liste de celles avec lesquelles les Américains sont interdits de toute transaction commerciale et financière; et infliger des sanctions à de hauts responsables gouvernementaux. Parallèlement à ces sanctions, M.Bush a indiqué qu'il allait «pousser» à l'adoption d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU imposant des «punitions internationales» au gouvernement soudanais et un embargo étendu sur les ventes d'armes au Soudan. Cette résolution «interdirait aussi au gouvernement soudanais les vols militaires au-dessus du Darfour», a-t-il dit. En fait, le président américain semble vouloir créer au Darfour une zone d'exclusion semblable à celles initiées, en 1991, en Irak dans le Kurdistan irakien et dans la région chiite du sud, ou encore comme ce fut le cas au Kosovo, pris en charge par l'Otan, ensuite par l'ONU en 1999 avec, comme retombées immédiates, l'autonomie pour le Kurdistan irakien et le Kosovo avec sans doute, en plus pour ce dernier, demain l'indépendance. Les sanctions américaines ont, en fait, les allures d'une partition en vue du Darfour, région riche en minerais et surtout en pétrole. Ce qui fait que les sollicitudes américaines et occidentales en général sont, quelque part, intéressées. Les nouvelles sanctions de Washington seront effectives dès le jour de leur annonce, hier, a-t-on indiqué à Washington alors que dans le même temps, les diplomates américains vont tenter d'obtenir l'aide d'une nouvelle résolution de l'ONU en surmontant les résistances de la Chine, selon les hauts responsables américains. Pékin a, en effet, affirmé hier que de nouvelles sanctions contre le Soudan allaient «compliquer» le problème au Darfour. «Davantage de pression n'aidera pas à résoudre le problème», a déclaré le représentant chinois pour le Darfour, Liu Guijin. «Ces sanctions volontaires (...) vont simplement aboutir à compliquer la recherche d'une solution au problème», a ajouté M.Liu devant la presse à Pékin, qui l'a interrogé après l'annonce des nouvelles sanctions américaines contre le Soudan. Sans surprise, Londres a été le tout premier pays à saluer la décision américaine. Considérant ce qui se passe au Darfour «d'inacceptable», le porte-parole du Premier ministre britannique Tony Blair, a déclaré: «Nous saluons toute action des Etats-Unis ou d'autres pour accentuer la pression sur le président (Omar Hassan) Al-Béchir parce que ce qui se passe au Soudan n'est pas acceptable selon les critères internationaux». «Nous devons maintenir cette pression», a-t-il dit. En phase avec la déclaration de M.Bush, le porte-parole britannique a encore indiqué: «Nous pensons que nous devons aller plus loin, aller plus loin à l'ONU sur des questions comme les zones d'interdiction de survol aérien et le ciblage des individus.». Il est donc bien question de créer des zones d'exclusion au Darfour où le gouvernement soudanais n'aura plus droit de regard sur ce qui se passe dans sa province occidentale, le Darfour. Par ailleurs, à peine installé, le champion de «l'ingérence humanitaire» le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, revient sur son obsession d'intervention dans des pays tiers, faisant de la question du Darfour sa «première priorité». Le chef de la diplomatie française a ainsi présenté, hier, au Forum Asie-UE à Hambourg, son idée de venir «en aide au Darfour» en sécurisant «un corridor humanitaire à partir du Tchad», auquel il tentera de rallier ses homologues du G8, aujourd'hui à Potsdam en ouverture de la session annuelle du G8. Bernard Kouchner a indiqué que la France «réfléchit à la sécurisation d'un corridor humanitaire à partir du Tchad» où Paris dispose d'un millier d'hommes ainsi que d'une poignée d'appareils de chasse et des hélicoptères au Tchad dans le cadre du dispositif Epervier. Le ministre français a indiqué qu'il avait proposé à M.Yang, le représentant chinois, de «participer à un groupe de contact élargi sur le Darfour». «Nous sommes ouverts à la discussion qui est en cours en ce moment dans le cadre des Nations unies sur d'éventuelles nouvelles mesures», a dit, d'autre part, le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, Denis Simonneau qui ajoute: «Certains des partenaires sont assez offensifs sur de nouvelles sanctions. Cette discussion se poursuit et nous regarderons les propositions qui seront faites sur un éventuel durcissement.» Le Darfour -même ce qui s'y passe est condamnable- mobilise l'Occident alors que d'autres crimes contre l'humanité se déroulent à ciel ouvert contre les Palestiniens dans les territoires occupés par Israël, cela dans l'indifférence totale de ces mêmes responsables occidentaux qui s'agitent autour du Darfour.