Jamais sinon très rarement un président américain n'avait eu autant d'opinions favorables, alors qu'il n'avait pas encore franchi les portes de la Maison-Blanche. Une cote de 69%. Rien que pour les déclarations d'intention. Une chance, mais aussi quelle responsabilité ! Autant de pressions sur un homme qui refuse d'apparaître comme le faiseur de miracles ou l'homme providentiel. « Au travail », disait-il mardi dans son discours d'investiture. Et c'est quoi le travail quand celui-ci vient à manquer et Obama lui-même s'est alarmé des statistiques de l'emploi, avant de situer quelques responsabilités. Cela veut-il dire qu'il s'attaquera aux sources du mal, c'est-à-dire aux puissances d'argent et à la cupidité ? Avant même d'occuper le Bureau ovale, la sonnette d'alarme a été tirée par ceux qui l'ont accompagné dans son ascension et cru en son discours. Très clairement, ceux-là craignent, et ils le disent, que la puissance des lobbies soit plus forte pour étouffer pareil engagement. Barack Obama, rappelle-t-on, a défini son action, mais appelé tous ceux qui attendent de lui un miracle « à entrer dans une ère de responsabilité après ce qui a été pendant trop longtemps une culture du laisser-faire », une règle d'or du capitalisme. Peu de jours auparavant, l'économiste américain Joseph Stiglitz faisait savoir : « Nous n'avons pas de système économique de rechange. » Une bien belle expression, comme pour dire qu'il faut retaper ce qui existe ou encore le préserver. Quelle tâche ! Véritables travaux d'Hercule dans un monde menacé dans ses fondements. Un véritable cahier des charges établi aussi depuis l'étranger où l'on semble être davantage sensible à l'état du monde qu'au nom du nouveau président des Etats-Unis et à la couleur de sa peau. Il en est ainsi de la chancelière allemande qui a affirmé que les Etats-Unis sont « la clé » pour surmonter la crise économique, tout en souhaitant à Barack Obama, « habileté et bonne fortune » pour remettre sur pied l'économie américaine. En matière d'accords internationaux, Mme Merkel a dit attendre aussi des Etats-Unis qu'ils « mettent une partie de leur souveraineté à la disposition des organisations internationales ». Dans ce concert de vœux et de gestes qui se veulent aussi d'amitié, il en est d'autres et même beaucoup liés à la récente actualité. Comme celle lui demandant tout simplement d'inverser l'ordre des priorités qu'il a énoncées et qu'il mette en tête de son ordre du jour l'enclenchement d'une négociation palestino-israélienne plutôt que le renforcement des troupes de l'Otan en Afghanistan. Ce conflit est devenu « la matrice des relations internationales ». Alors que lui propose une nouvelle relation avec le monde musulman qu'il se garde encore de définir, Israël bien entendu concerné au premier point par ce discours déclare qu'il ne s'attend pas à un changement de la politique américaine au Proche-Orient sous l'Administration Obama. Est-ce une manière de pousser au maintien du statu quo actuel d'autant qu'à l'inverse des voix se font entendre pour encourager le nouveau président à rompre avec la vision de ses prédécesseurs ? Les prochaines interventions d'Obama éclaireront certainement sur ses intentions que l'on tente par ailleurs de décrypter dans des décisions préliminaires considérées comme autant de signaux. Comme la nomination de George Mitchell au poste d'envoyé spécial pour le Proche-Orient. En fait un retour, puisque cette mission avait été assumée pendant un temps jusqu'à ce que ce sénateur à la retraite jette l'éponge en raison de l'obstruction d'Israël qui avait refusé d'appliquer ce que lui avait appelé des mesures de confiance comme l'arrêt de la colonisation. Obama choisit la prudence, alors même que candidat, il s'était engagé à garantir la sécurité d'Israël. Il sait que l'on attend beaucoup de lui. Obama mesure déjà l'immensité de la tâche, mais il en est qui craignent que les lobbies étouffent ce rêve.