«Le monde est du côté de celui qui est debout.» Proverbe arabe A moins de deux mois des élections, il semble que Barack Obama ait beaucoup de chances de devenir le prochain président des Etats-Unis. Son réel talent d´orateur lui a permis de venir à bout - jusqu´à présent - de toutes les intrigues et embûches sur le difficile itinéraire vers la Maison-Blanche. Deux thèmes importants n´ont pas - de notre point de vue - reçu des explications convaincantes. Il s´agit de la position du candidat envers les Arabes et sa relation à l´Islam Le 4 juin 2008, Barack Obama a déclaré que "Jérusalem restera la capitale d´Israël et doit rester indivisible". Il a provoqué la colère des Palestiniens. Se présentant comme un "vrai ami" d´Israël, M. Obama s´est félicité des "liens indestructibles" entre les Etats-Unis et Israël. Il s´est rendu en 2007 devant l´Aipac où il a déclaré vouloir "préserver un engagement total pour la relation unique de défense qui lie les Etats-Unis à Israël ". Azmi Bishara, issu d´une famille chrétienne palestinienne, ancien député au Parlement israélien (Knesset) n´est pas tendre avec les Arabes. Pour lui " le phénomène Obama est une nouveauté majeure dans la vie politique des Etats-Unis....Il est lisse. Il est très intelligent dans le choix de son ton. Il suscite l´admiration et il ne menace personne...Quant à l´individu Obama, il est parfaitement sous contrôle, au sein de ladite élite. De fait, cela fait des années qu´il se bat pour y être admis, et il a montré qu´il peut être parfaitement à l´aise lorsqu´il s´agit pour lui de retourner sa veste, afin de faciliter le processus digestif de l´establishment...Il y a aussi le fait que Rice n´a pas eu à dénier son héritage islamique, comme a dû le faire Obama. Elle n´avait nul besoin de toutes ces acrobaties verbales et de ces virages rhétoriques en épingles à cheveux pour démontrer qu´elle faisait bien partie de l´establishment. Elle en est un pur produit. Non qu´elle dût considérer un ancêtre musulman comme une tache sur sa réputation, dès lors que, d´ancêtre musulman, elle n´en avait aucun...Mais Obama, lui, si, il a dû faire ça. Obama a dû voir dans ses origines musulmanes une faille, une flétrissure. Obama et les Arabes Autant dire qu´il a échoué au test du racisme, en ce qui concerne le respect des Arabes et des musulmans. En tant que personne, Obama n´a assurément rien de bien nouveau. C´est un homme politique ambitieux, un homme jeune qui a eu besoin d´une énorme quantité d´opportunisme, d´une épaisse carapace et de principes ultra-flexibles, pour arriver là où il est. De plus, toute son insistance sur la manière dont il est un bon chrétien, à un point pas croyable, est une véritable caricature de la laïcité à l´américaine". "Et pourtant, les Arabes ont toujours cette manie persistante, et toujours renaissante, qui veut qu´en dépit d´un flot ininterrompu de déceptions causées par les présidents américains successifs, dès qu´une année électorale est annoncée, ils sont inévitablement les victimes de l´illusion selon laquelle cela a quelque chose de prometteur pour la cause palestinienne. (..) Son estomac qui se met à gargouiller de sa fringale d´entrer dans les bonnes grâces de l´Aipac, des dirigeants israéliens et de l´idéologie sioniste, en général; sa sympathie totale pour la situation des habitants de Sderot, sans la moindre once de compréhension de la situation à Ghaza, traduisent non seulement l´étendue de son opportunisme, mais aussi l´ampleur de son mépris pour les Arabes, et peu importe qu´il croie sincèrement, ou non, à ce qu´il raconte au sujet d´Israël.."Non qu´il ait eu en face de lui un front arabe uni qui l´eût amené à les prendre en considération, ou qui lui eût donné, au minimum, quelques conseils. (...) Il n´y a strictement aucune raison pour que les Arabes puissent escompter un changement quelconque à une situation dans laquelle de si nombreux facteurs avantagent Israël, tandis que les Arabes ne font strictement rien pour tirer l´échelle vers eux-mêmes. La principale faiblesse des Arabes tient au fait qu´ils sont désunis. Il n´y a pas de recette miracle. Les Arabes ne constateront aucun changement en leur faveur tant qu´ils ne feront pas le nécessaire pour que leur présence soit ressentie comme un facteur de cohésion incontournable dans l´arène internationale. Le 18 août dernier, les deux candidats Obama et Mc Cain ont subi un oral devant leur hôte, Rick Warren, pasteur de l´église géante de Saddleback. Question: "Qu´est ce que cela veut dire pour vous, de mettre votre confiance dans le Christ?" Réponse de Barack Obama: "Je crois que Jésus est mort pour mes péchés et que je connais la rédemption à travers lui." Réponse de John McCain: "Cela veut dire que je suis sauvé et pardonné." L´enjeu était important puisqu´un électeur américain sur quatre se décrit comme "évangélique". Certes, la plupart s´exprimeront sans doute pour McCain, mais selon un sondage récent, 24% soutiendraient Obama et 12% seraient indécis. L´un comme l´autre, McCain et Obama ont un handicap considérable à surmonter devant cet électorat. McCain pour avoir qualifié, en 2000, Pat Robertson d´" agent de l´intolérance". Celui pour qui Mahomet est un "brigand fanatique". Obama n´est pas moins gêné aux entournures par les rumeurs selon lesquelles il ne serait pas vraiment chrétien, mais musulman. Selon un sondage publié en juillet par Newsweek, 12% des Américains en seraient encore persuadés. Pour d´autres, Obama serait l´Antéchrist, du moins à en croire plusieurs sites Internet dédiés à ce délire. L´un d´eux montre une vidéo d´Obama prononçant un discours (authentique) en 2006 fustigeant les évangélistes qui souhaitent utiliser la Bible pour les guider dans l´exercice du gouvernement: "Quel passage voulez-vous qu´on adopte, celui où l´esclavage est toléré, celui qui conseille de lapider votre fils s´il s´écarte de la foi?" Les croyants sont une donnée fondamentale de l´équation électorale Obama proclame donc sa foi chrétienne haut et fort à la moindre occasion. 67% des évangéliques disent vouloir voter McCain contre 24% pour Obama. (...) Obama n´arrête pas de prendre ses distances avec l´Islam. Lui-même semble penser qu´il y a un problème, qu´il doit en quelque sorte demander pardon pour avoir été "souillé" au contact de ces "ignobles musulmans". (..) Dans un point de vue sur Barack Obama, publié le 5 février dans Libération, Daniel Sibony évoque la prétendue éducation musulmane intégriste que le candidat démocrate aurait refoulée. Il affirme que Barack Obama a reçu une "éducation islamique en maternelle" avant de se "convertir" au christianisme et que ce "fonds infantile intégriste" devrait le rendre "plus complice" du "fondamentalisme" musulman. Précisons, écrit Isabelle Duriez, que le jeune Obama n´était pas en maternelle, mais en primaire. Sa mère a divorcé de son père kényan quand il avait 2 ans et s´est remariée avec un Indonésien, cadre dans une compagnie pétrolière, quand il en avait 6. Ils se sont installés à Jakarta de 1967 à 1971. L´enfant n´a pas reçu une "éducation islamique" pour autant. Son beau-père étant musulman non pratiquant et sa mère athée, il est d´abord allé dans une école catholique pendant deux ans, puis dans une école publique. Il avait alors 8 et 9 ans. Dès le début de la campagne, des sites conservateurs ont lancé la rumeur selon laquelle cette école était une madrasa où il aurait été endoctriné. "Ce n´était pas une école islamique, a témoigné l´un d´eux. Il y avait des chrétiens, des bouddhistes, des confucéens, c´était très mélangé."(3) Naturellement, tout a été mis en oeuvre pour débusquer la " vraie religion " de Barack Obama malgré le fait qu´il n´arrête pas de marteler qu´il est chrétien. Daniel Pipes, chroniqueur primé du New York Sun et du Jerusalem Post, avec un zèle de bénedictin, est allé dans les coins et les recoins de toutes les mémoires " à charge ". Ecoutons-le: " Obama affirmait ainsi en décembre "j´ai toujours été un Chrétien" et il a résolument nié avoir jamais été un Musulman. "Le seul lien que j´aie eu avec l´Islam est le fait que mon grand-père paternel venait de ce pays [Kenya]. Mais je n´ai jamais pratiqué l´Islam." En février, il déclara: "Je n´ai jamais été un Musulman. (...) à part mon nom et le fait d´avoir vécu dans une population musulmane pendant quatre ans étant enfant [Indonésie, 1967-1971], je n´ai que très peu de liens avec la religion islamique." "Toujours" et "jamais" ne laissent que peu de place aux tergiversations. Mais de nombreux éléments biographiques, recueillis essentiellement par la presse américaine, suggèrent que le candidat, en grandissant, s´est bel et bien considéré lui-même et a été considéré par son entourage comme un Musulman".(4) Obama est-il ou était-il musulman? "Dans l´Islam, nous apprend Daniel Pipes, la religion est transmise à l´enfant par le père. Barack Hussein Obama père (1936-1982) était un Musulman qui a nommé son fils Barack Hussein Obama, jr. Seuls des enfants musulmans sont appelés "Hussein". Son beau-père, Lolo Soetoro, était aussi un Musulman. Nedra Pickler, d´Associated Press, relate que "des documents montrent qu´il était inscrit en tant que Musulman" pendant ses trois premières années de scolarité dans une école catholique.(Un blogueur qui se présente comme "Un Américain expatrié en Asie du Sud-Est" a découvert que "Barack Hussein Obama était inscrit sous le nom de "Barry Soetoro", matricule 203; il a été admis à l´école primaire franciscaine. Ainsi le 1er janvier 1968, dans la classe 1B. (...) Selon son dossier, la religion de Barry était l´Islam.".Dans son autobiographie, Dreams of My Father (Rêves de mon père), Obama raconte qu´il a eu des problèmes pour avoir fait des grimaces pendant des cours coraniques, révélant ainsi qu´il était bien un Musulman, car les élèves indonésiens de l´époque suivaient des cours d´éducation religieuse correspondant à leur foi. En fait, Obama garde même des souvenirs clairs de ces cours: Nicholas D. Kristof, du New York Times, relate qu´Obama "s´est souvenu des premiers versets de l´appel islamique à la prière et les a récités [à Kristof] avec un excellent accent". La demi-soeur d´Obama se rappelle que la famille allait à la mosquée "pour les grands événements de la communauté". Un ami indonésien, Zulfin Adi, déclare qu´Obama "était un Musulman. Il allait à la mosquée. Je me souviens de lui avec un sarong [un vêtement porté par les Musulmans]." Obama dit lui-même que lorsqu´il vivait en Indonésie, un pays musulman, il "ne pratiquait pas [l´Islam]", admettant ainsi implicitement qu´il avait alors une identité de Musulman. Et des Indonésiens ont de lui des souvenirs différents. L´un deux, Rony Amir, décrit Obama comme "très religieux, dans l´Islam, à l´époque".S´il est né et a été élevé en tant que Musulman et qu´il cache ce fait, cela constitue une grave duplicité, une dissimulation fondamentale, qui en dit très long sur son caractère et ainsi sur la pertinence de sa candidature.(4)."Comment les Musulmans voient-ils Barack Hussein Obama? récidive Daniel Pipes. Ils ont trois possibilités: soit le considérer tel qu´il se présente lui-même, comme quelqu´un qui " n´a jamais été un musulman " et a " toujours été un chrétien ", soit le considérer comme un Musulman, soit encore voir en lui un apostat de l´Islam. Les articles disponibles suggèrent que, si les Américains pensent en général que le candidat démocrate n´avait pas de religion avant de se convertir sous l´autorité du révérend Jeremiah Wright à l´âge de 27 ans, les Musulmans du monde entier le voient rarement comme un Chrétien, mais plutôt comme un Musulman ou un ex-Musulman. Le dirigeant libyen Mouamar El Gueddafi a parlé d´Obama comme d´un " Musulman " et comme d´une personne ayant une "identité africaine et islamique".(5) "Certains dirigeants musulmans américains perçoivent eux aussi Obama comme musulman. Le président de la Société islamique d´Amérique du Nord, Sayyid M.Syeed, a déclaré, lors d´une conférence à Houston: "Qu´Obama gagne ou perde, sa candidature renforcera l´idée que des enfants musulmans peuvent devenir présidents de ce pays ". Mais cette excitation a aussi un côté sombre - des soupçons qu´Obama soit un traître à sa religion de naissance, un apostat (murtadd) de l´Islam. Al Qaîda a souligné qu´Obama avait déclaré: "Je ne suis pas un Musulman ", et une analyste, Shireen K. Burki, de l´Université de Mary à Washington, considère qu´Obama est le " candidat rêvé pour Ben Laden ". (...) Dans le journal Arab Times, l´intellectuel de gauche syrien, Nidal Na´isa a qualifié de façon répétée Obama d´" apostat de l´Islam (..) En somme, des Musulmans s´interrogent sur le statut religieux actuel d´Obama. Ils résistent à sa façon de se décrire lui-même comme un chrétien, et ils supposent qu´un bébé né d´un père musulman et nommé Hussein a commencé sa vie en tant que Musulman. Si Obama devenait Président, les différences entre les visions musulmanes et américaines concernant son affiliation religieuse créeront des problèmes ". Pour Andrea Eliott, les Arabes sont déçus. Après avoir placé beaucoup d´espoir dans la candidature du sénateur de l´Illinois, les musulmans américains manifestent leur déception. Ils ont l´impression d´être les laissés-pour-compte de la stratégie du candidat démocrate. (..) Pour de nombreux musulmans, l´attitude de Barack Obama n´est pas étonnante. Ces allusions et le climat plus général ont d´ailleurs poussé de nombreux musulmans à ne pas clamer haut et fort leur soutien au candidat démocrate, car toute manifestation d´allégeance pourrait être utilisée par ses adversaires pour susciter un sentiment de peur à l´égard du candidat, encourager les fausses rumeurs sur sa religion, voire le "ben-ladeniser".(6) Nous préférons, en conclusion, les mots du père Leahy, du Groupe de dialogue interreligieux de Chicago: "La réaction honteuse d´Obama est d´autant plus lamentable qu´elle ne fait que renforcer cette diabolisation. Il aurait pu clore le débat en disant simplement quelque chose du genre "Vous savez, j´étais un petit garçon à l´époque. Il y a beaucoup de choses dont je ne me souviens pas. Ma première vraie expérience religieuse c´était à l´âge de 16 ans quand j´ai adhéré à mon groupe d´études bibliques. Mais laissez-moi vous dire ceci: je n´ai jamais regretté avoir eu la chance de côtoyer de très près des représentants de la deuxième plus grande communauté religieuse au monde. Et mes électeurs n´ont pas à le regretter non plus. Car la seule façon de résoudre les différends que nous pouvons avoir entre nous, chrétiens et musulmans, c´est en apprenant à mieux nous connaître. Et je suis content d´avoir eu la chance de pouvoir le faire dès mon plus jeune âge." (*) Ecole nationale polytechnique 1.Philippe Grangereau: McCain et Obama passent au confessionnal. Libération 18 août 2008 2.The most comprehensive online Quranic resource!www.altafsir.com 05/01/2008. 3.Isabelle Duriez. Obama et l´islam. Libération - mercredi 13 février 2008 4.Daniel Pipes L´enfance musulmane de Barack Obama http://fr.danielpipes.org/article/5545 5.D.Pipes: Barack Obama sous des regards musulmans FrontPageMagazine.com 25 08 2008 6.Andrea Elliott:Obama déçoit les musulmans américains. The New York Times - 26 juin 2008