C'est le constat des avocats qui relèvent dans le Code de procédures civile et administrative des lacunes, parfois des contradictions gravissimes. Si pour le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, ce nouveau code qui entre en vigueur le 24 avril, est celui de la conciliation, la médiation et l'arbitrage, les robes noires ne le voient pas du même oeil. A l'instar des députés, notamment ceux du Parti des travailleurs (PT), les avocats y relèvent des lacunes, parfois des contradictions gravissimes. Ils veulent même que le ministre revoie sa copie. Maître Hocine Zehouane, président de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (Laddh), met le doigt là où il fera certainement mal aux initiateurs de ce projet. Contacté hier par L'Expression, il souligne que le fait de parler de Code civil et administratif est une séparation de la justice. «On a séparé la justice composée actuellement de la Cour suprême et du Conseil d'Etat car, avant, le système juridique fonctionnait uniquement avec la chambre administrative», a-t-il appuyé. Un élu a récemment posé la problématique de la séparation des procédures suivies dans les lois civiles et administratives ainsi que celle de la consistance de cette loi qui a connu une augmentation de 122% en comparaison avec la loi en vigueur, rendant difficile son assimilation par les magistrats et les avocats. De cette scission juridique, une discordance entre la réalité du terrain et le «formalisme institutionnel» sera inévitable. Dans ce même contexte, notre interlocuteur aura beau chercher la possibilité de voir les conflits du contentieux réglés par la conciliation ou la médiation, mais sans y parvenir. «Ça ne fonctionne pas chez nous», affirme le président de la Laddh. A se fier à ses propos, hormis «la jemâa (ou, thajmaath)- terme qu'il convient de traduire par "assemblée" ou "conseil" plutôt que "comité" - cette médiation recherchée ne peut absolument pas exister». Interrogé, un autre avocat exerçant à la Cour suprême retient également des arguments opposés à ceux du ministre, Tayeb Belaïz. Cette réforme dudit code lui reste en travers de la gorge, comme une pilule dure à avaler. «Cela tient de notre culture, voire inculture, juridique». «Cette instabilité juridique inquiète à plus d'un titre», résume cet avocat qui s'exprimait sous l'anonymat. Au niveau de cette instabilité, une solution pouvant satisfaire les deux parties relève de l'utopie. Convaincu de l'«utilité» de ce code, M.Belaïz veut faire du changement un des piliers de la réforme de la justice en Algérie. Il explique qu'en trente-huit années, très peu de modifications ont été apportées au Code de procédure civile, alors que les circonstances qui ont présidé à son élaboration ne sont plus de mise. La protection des droits, selon lui, obéit à des règles préétablies qui doivent se caractériser notamment par la transparence, exigence fondamentale de l'équité. Le ministre évoque également l'unification et la rationalisation du système judiciaire à travers l'unification des règles de compétence. Peu probable, sachant que ce secteur est en ébullition. De nombreuses questions font que le fossé se creuse davantage entre les robes noires et la tutelle.