Laminés par la flambée des prix, leur pouvoir d'achat ne leur permet même plus de subvenir à leurs besoins de première nécessité. Un million de travailleurs à la retraite percevraient moins que le Snmg, soit moins de 12.000 DA. Les deux millions de handicapés que compte le pays bénéficient d'une allocation qui plafonne à 4500 DA alors que près de 1.500.000 chômeurs officiellement reconnus par les pouvoirs publics n'ont aucun revenu dûment déclaré. Au bas mot, il y aurait donc au moins quelque cinq millions d'Algériens qui vivraient dans un état de précarité des plus préoccupants. Ce qui représente 7% de la population algérienne qui, selon toute vraisemblance, seraient en situation de détresse chronique. Ce tableau, aussi caricatural soit-il, devrait sans aucun doute émettre des signaux hautement plus dramatiques et alarmistes si cette «comptabilité» dont on aurait aimé se passer, venait à être affinée. En l'absence de paramètres plus pointus et d'instituts spécialisés en la matière, ces chiffres aux caractères pourtant approximatifs peuvent difficilement faire l'objet d'une contestation systématique, tellement ils parlent d'eux-mêmes. Témoin, cette jeune femme rencontrée à l'angle d'une ruelle d'une grande artère de la capitale des Hammadites, Béjaïa, sur un fauteuil roulant, le jour de la commémoration de la Journée internationale des handicapés: «Les 4500 DA que je perçois comme pension tous les mois ne suffisent même pas à couvrir mes frais médicaux», nous avait-elle confié tout en montrant son livret de soins pour en apporter la preuve. On a pu constater, après qu'elle ait lourdement insisté, que dans le traitement à vie qui lui est prescrit, certains médicaments et parmi les plus chers (plus de 1000 DA) ne lui étaient même pas remboursés. «Pour ceux qui le sont, je dois patienter jusqu'à trois mois, voire un peu plus quelquefois.» Un triste sort? Le sourire magnifique arboré par cette jeune femme faisait de manière admirable obstacle à ce type de réflexion. Il en disait long sur sa dignité fièrement affichée et sa farouche détermination à mener son combat, qui est aussi celui de 2 millions d'autres Algériens pour l'obtention de droits qui leur permettraient de mener une vie décente. Cet exemple vivant, malgré toute la détresse qu'il porte en lui, véhicule paradoxalement une lueur d'espoir aussi infime soit-elle. Une sorte de petite lumière dans la grisaille. Malheureusement, le contexte est loin d'être idyllique, voire aussi «romantique» pour tous les cas en phase de désocialisation ou en rupture avec le monde du travail. En effet, parmi les causes qui sont à l'origine du suicide, le chômage et son corollaire, le désespoir, tiennent le haut du pavé. D'après certaines statistiques, 56% de cas de mort violente volontairement provoquée seraient des chômeurs. Cela est d'autant plus inquiétant que les chiffres connus concernant le suicide sont effarants. 300 personnes se seraient donné la mort la saison écoulée. Selon le professeur Khiati, 4571 suicides ont été enregistrés entre l'année 1995 et l'année 2003. Dans la plupart des cas, ils étaient d'ordre économique. Comme on peut le constater, les mutations socioéconomiques en Algérie, en plus d'avoir ébranlé la cellule familiale traditionnelle, ont provoqué des ravages, des drames. Le passage brutal à l'économie de marché dessine, au fur et à mesure du temps qui passe, une société à deux vitesses. Des nantis et des pauvres de plus en plus nombreux. 3 millions d'élèves nécessiteux ont été recensés à l'occasion de la rentrée scolaire 2008-2009. Ils ont bénéficié d'une prime portée à 3000 DA sur décision du président de la République. Ce qui a dû alléger un tant soit peu des dépenses de plus en plus lourdes à supporter et de plus en plus régulières (mois de Ramadhan, rentrée scolaire, fêtes de l'Aïd...). Et lorsque l'on a admis qu'il est pratiquement impossible à la ménagère de rentrer chez elle avec un panier consistant, la boucle est bouclée. De quoi est constituée l'assiette d'un «Smicard»? Personne ou presque n'ose en parler. Par pudeur certainement. Avec le kilo de sardines qui ne veut pas descendre au-dessous de la barre des 250 DA, du kilo de viande qui avoisine les 1000 DA, celui du poulet qui tend vers 300 DA et la pomme de terre qui a tout simplement de nouveau atteint 70DA, on se demande ce que la majorité des Algériens se mettent sous la dent. La crise est persistante dans notre pays. Elle est chronique. Elle n'a point attendu la crise financière internationale et ces fameux «Subprimes» qui sont à l'origine de cette fabuleuse «Bulle financière» qui ne cesse d'enfler au point qu'elle risque, dans un avenir proche, d'éclater à la face du monde.Du chinois tout cela pour l'Algérien. En plus, ne lui a-t-on pas expliqué que l'on n'est pas concernés par cette histoire. Le système bancaire national est déconnecté du système financier international nous dit-on. Un peu comme ces marchés de produits de consommation qui n'obeissent à aucune logique...