Son histoire est un «roman inachevé» qu'elle continue de vivre. «Qu'est-ce que la personnalité algérienne?» L'interrogation ébranle les certitudes. Elle appelle une redéfinition de l'identité algérienne. Aussi ardue soit-elle, la tâche n'est point impossible. L'irréalisable n'existe pas dans le langage d'une femme révolutionnaire. Avec elle, le chimérique peut devenir réalité. Elle appartient à cette génération d'Algériens qui ont traduit l'aspiration du peuple à la liberté en objectif politique précis: l'Indépendance de l'Algérie. Elle n'est autre que la nièce de Amar Ouzegane, le haut responsable du Parti communiste algérien (PCA) devenu conseiller du Comité de coordination et d'exécution (CCE) du FLN durant la Révolution. Fettouma Ouzegane, puisqu'il s'agit d'elle, est née le 24 janvier 1928 à la Casbah. C'est dans cette «école du combat pour la liberté» à ciel ouvert que la petite Fettouma a fourbi ses armes de combattante. Fille d'un commerçant, en l'occurrence Saïd, Fettouma a grandi dans un climat familial imbibé de nostalgie à «la terre expropriée» à la tribu des Ouzegane, à Azazga, par les hordes coloniales. Laquelle nostalgie a donné sens et substance à l'engagement politique de la mère de Ali Fawzi Rebaïne, candidat à la prochaine élection présidentielle. L'histoire de Mme Ouzegane est celle de cette fille propulsée à la responsabilité familiale à un âge précoce, de l'épouse d'un martyr, de la combattante et...de l'opposante. Décidément, sa vie est un «roman inachevé» qu'elle continue de vivre..L'écrire? Mme Ouzegane s'y est déjà mise. L'Indépendance confisquée tel sera le titre de l'ouvrage que la militante convaincue compte publier, au plus tard, à la fin de l'année en cours. Se voulant un regard critique sur l'histoire récente de l'Algérie, le témoignage de Mme Fettouma Ouzegane traitera de la période de la lutte armée contre le colonialisme et de l'ère postindépendance. Malgré le poids des ans, le sourire de «la fiancée du soir» ne quitte jamais le visage de Fettouma.Dans ses yeux luit toujours Nedjma de Yacine. On dirait que c'est dans son regard et dans celui de ses semblables que le poète a puisé ses mots. La vie de Fettouma Ouzegane est une ode dédiée à la muse des Algériens épris de liberté, l'Algérie. Au souvenir du berceau de son existence, son regard est embué de tendresse. Ces yeux semblent remonter «les chemins qui montent». D'un regard furtif, elle nous invite au voyage...Laissons-la raconter. «J'ai eu la chance d'être née dans une famille portée sur l'ouverture. Nous étions cinq filles prises en charge par mon oncle (Amar Ouzegane) et cajolées par nos parents et grands-parents». A l'époque, la petite famille de l'ancien secrétaire général du Parti communiste algérien (PCA) menait un mode de vie «excentrique» à celui d'une société à fortes traditions. C'est à l'âge de quatre ans que la petite Fettouma entame sa scolarité. A ce sujet, Mme Ouzegane raconte: «J'ai commencé mes études chez les Soeurs blanches à Tourne-Rond-Villon, aux environs de Bab J'did à la Casbah. Puis, j'ai fréquenté l'école franco-algérienne sise rue Maringo. Cette école se trouvait en face d'une medersa». Le regard de la militante suit les pas de la fillette dans les couloirs de l'établissement scolaire. Elle entre dans une classe, reprend sa place. Mme Toumi, Française, est là. Le cours commence, les souvenirs s'écoulent et...coup d'arrêt! A la sixième année, Fettouma est obligée d'interrompre ses études. Motif: Son père et son oncle viennent d'être arrêtés par les autorités coloniales! Saïd, le père, est détenu à la prison de Barberousse, tandis qu'Amar a été transféré au camp de D'jnan Bourezg dans le sud de l'Oranie. L'ancien syndicaliste y passera plus de trois ans. Une nouvelle page est désormais ouverte dans la vie de Fettouma qui raconte: «C'est à partir de là que j'ai commencé à apprendre à m'occuper de la famille. Etant l'aînée de mes soeurs, je devais chercher le permis de communiquer à Cavaignac et accompagner le coursier pour aller voir mon père et lui apporter de la nourriture. En quelque sorte, j'étais devenue le garçon de la famille», confie la mère de Ali Fawzi Rebaïne dans un éclat de rire qui rayonne son appartement située à la place Audin au pied des hauteurs d'Alger. En 1953, Fettouma Ouzegane épouse Abderahmane Rebaïne. Au sujet de l'engagement de son mari, Mme Ouzegane se souvient: «Mon oncle a repris ses activités après sa libération. De ce fait, il était à nouveau recherché. Vu sa condition délicate et sa position stratégique de l'époque - (conseiller politique du CCE) - mon oncle s'est réfugié chez nous. Ainsi, mon défunt mari s'est retrouvé à assurer la liaison entre mon oncle et les responsables du FLN». Arrêté le 21 février 1957, feu Abderahmane Rebaïne ne donnera plus signe de vie depuis. Veuve, Fettouma reprend le flambeau de la lutte. Vers la fin de l'année 1957, elle sera à son tour arrêtée et incarcérée à la prison de Barberousse. Elle y passera un an. La militante garde intact le souvenir de cette période douloureuse, certes, mais charnière. Apprécions ce témoignage: «A Barberousse, quand les bourreaux amenaient un condamné à mort pour l'exécuter, ce dernier criait: Allah Akbar! Le cri était repris par les autres détenus. L'écho de ces cris parvenait jusqu'à nous alors et nous entonnions les hymnes nationaux. Ces hymnes qui fusaient de la prison étaient repris par les habitants des quartiers environnants.» Et à Mme Ouzegane de délivrer ce message plein d'espoir: «Ce peuple a su relever le défi dans les moments les plus difficiles de son histoire. Faisons-lui confiance!» Propos à méditer...