Le président russe, qui s'exprimait dans une interview à un journal d'opposition, tranche par les idées inédites qu'il fait valoir. Le président russe Dmitri Medvedev s'est fait hier l'avocat de la démocratie, dans une interview inédite au journal d'opposition Novaïa Gazeta, sans avancer toutefois de propositions concrètes pour son pays. «On ne peut en aucun cas opposer une vie stable et réussie à nombre de droits et de libertés politiques. On ne peut pas opposer démocratie et satiété», a déclaré le chef de l'Etat russe, au pouvoir depuis mai 2008. M.Medvedev était interrogé sur l'existence d'un pacte tacite, selon le journal, entre le pouvoir et les citoyens en Russie, au nom duquel ces derniers se montrent loyaux au régime lorsque celui-ci leur assure une certaine prospérité. Sous sa présidence (2000-2008), Vladimir Poutine a donné plusieurs coups de butoir aux droits de l'Homme, muselé la presse et l'opposition sans susciter de levée de boucliers dans la société, occupée à goûter aux fruits de la croissance après le chaos économique des années 90. «D'un autre côté, il est évident que les droits et libertés fondamentaux peuvent être menacés si la stabilité n'est pas au rendez-vous et si l'on ne garantit pas un confort minimal», a ajouté Dmitri Medvedev, un ancien professeur de droit rompu à l'art de la rhétorique juridique. Même s'il ne s'est livré à aucune déclaration fracassante, l'interview n'en constitue pas moins un événement compte tenu du profil de Novaïa Gazeta, un des rares journaux critiques du pouvoir, endeuillé par le meurtre de plusieurs journalistes ces dernières années, dont Anna Politkovskaïa. L'ancien maître du Kremlin, Vladimir Poutine, n'a jamais parlé à l'hebdomadaire, qui dénonça régulièrement les abus commis en Tchétchénie lorsqu'il était au pouvoir, notamment sous la plume d'Anna Politkovskaïa. Au lendemain de l'assassinat de la journaliste en octobre 2006, il jeta même un froid en déclarant que sa «capacité d'influence sur la vie politique du pays avait été insignifiante». M.Medvedev, qui accordait sa première interview à un journal russe depuis son arrivée au Kremlin il y a presque un an, a donc marqué à sa manière sa différence avec son prédécesseur. Le président a voulu «apporter un soutien moral» au tri-hebdomadaire après les crimes «horribles» dont ses journalistes ont été la cible, a déclaré la porte-parole du Kremlin, Natalia Timakova. Volontiers présenté comme plus libéral, plus soucieux de démocratie que son prédécesseur, Dmitri Medvedev a déçu toutefois depuis un an ceux qui attendaient de lui des changements de fond dans le pays. Interrogé sur sa volonté de réhabiliter la démocratie en Russie, il a répondu à Novaïa Gazeta: «Je ne pense pas qu'il nous faille la réhabiliter. La démocratie a été, est et sera». Il doit aussi composer avec Vladimir Poutine, un ancien du KGB à qui il doit sa carrière et qui reste son puissant Premier ministre. Sur l'affaire judiciaire la plus emblématique de sa première année de présidence, le nouveau procès de l'ex-Pdg de Ioukos Mikhaïl Khodorkovski, Dmitri Medvedev reste aussi extrêmement prudent, refusant toute «ingérence» au nom de la séparation des pouvoirs. «Prédire l'issue d'un procès, c'est une contradiction, une violation de la Loi», a-t-il simplement dit à Novaïa Gazeta, alors qu'on lui demandait si le verdict était prévisible.