L'ancien président de l'APN, contre toute attente, quitterait un perchoir pour un autre, plus important encore. Le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a désigné hier les trois sénateurs manquant au tiers présidentiel a indiqué un communiqué du Palais El-Mouradia. Les nouveaux parlementaires à la Chambre basse du Parlement sont respectivement Abdelkader Bensalah, Abdel-hamid Berchiche et Abdallah Boussenane. Le premier, que chaque lecteur doit connaître, a été président du CNT (Conseil national de transition) avant de diriger la première APN pluraliste du pays et d'être réélu à Oran lors des législatives du 30 mai passé. Contre toute attente, il a démissionné de son poste, laissant tous les observateurs perplexes à propos d'une pareille décision. Abdelhamid Berchiche, ministre de la Jeunesse des Sports dans le précédent gouvernement de Benflis, a également occupé le poste de recteur de l'université de Tizi Ouzou. Abdallah Boussenane, lui, semble être un inconnu dans le monde de la politique, mais aussi dans celui des médias. Cette annonce, qui était attendue ces jours-ci, répond au besoin du Président d'activer le plan d'action du gouvernement afin d'avoir des choses concrètes à présenter d'ici aux élections locales. Or, le programme du gouvernement doit d'abord être adopté par le Parlement avant que l'action sur le terrain ne puisse commencer. D'où la nécessité de trouver un remplaçant au défunt Mohamed Chérif Messsaâdia dans les plus brefs délais. Ces remplacements, intervenus à point nommé, posent avec encore plus d'acuité la problématique de Bensalah, dont la démission de l'APN demeure inexpliquée. La démission de Bensalah de son poste de député élu à la Chambre basse du Parlement n'a, sans doute, pas fini de faire couler encre et salive. Des lectures faites trop à la hâte, sous le feu de l'action et de l'effet de surprise, ne peuvent résister à une analyse plus poussée. La loi est particulièrement claire sur cette question. La Consti-tution, dans son article 112 - le seul qui aborde cette question - renvoie simplement le consultant à la loi organique portant régime électoral. Or, selon des juristes consultés par nos soins, une loi organique, qui ne peut être effective qu'après adoption aux trois quarts des membres du Parlement, représente des textes applicables de facto, non négociables et ne souffrant même pas le moindre commentaire. Cette loi, dans son article 119, prévoit ceci: «Le député dont le siège devient vacant par suite de décès, d'acceptation de fonctions gouvernementales ou de membre du Conseil constitutionnel, est remplacé par le candidat classé immédiatement après le dernier candidat élu de la liste, pour la période restante du mandat. En cas de vacance du siège d'un député par la suite de démission, d'empêchement légal ou d'exclusion, il est procédé à une élection partielle pour son remplacement.» Les deux alinéas du texte concernent cette affaire. Des juristes, très au fait de l'interprétation des lois constitutionnelles, nous ont confirmé ce qui n'est déjà que trop flagrant à la lecture de ces textes. «Le RND, à cause de l'acte de Bensalah, perd automatiquement un autre siège, après celui qui lui a été enlevé par le Conseil constitutionnel, passant ainsi à 47 sièges». Or, rien, absolument rien, ne justifiait ce geste si, réellement, Bensalah devait être nommé à un poste à la mesure de ses compétences et de ses états de service. La loi, en effet, précise qu'il n'a pas besoin de démissionner pour cela, afin de permettre à un autre candidat du RND, M.Benattiya en l'occurrence, de prendre sa place. D'autres raisons, forcément, se trouvent derrière le geste inattendu de Bensalah, un homme jouissant d'assez de culture politique et de connaissances juridiques pour ne pas ôter un autre siège à son parti alors qu'il se trouve déjà au creux de la vague. Des sources, généralement bien informées, nous affirment à ce sujet que des candidats indépendants très en colère auraient menacé de monter au créneau et de faire un scandale au cas où l'élu de ce parti ne se retirerait pas sur la pointe des pieds. Le FLN, qui voulait saisir le Conseil constitutionnel, se serait ravisé par respect pour le parcours du concerné et les très hauts postes occupés par lui, et qui en auraient été forcément éclaboussés. Des élections partielles sont donc prévues à Oran, selon la même loi, afin de pourvoir le poste vacant à l'APN, constaté officiellement pas son bureau suivant le règlement intérieur de cette instance. Le scrutin, forcément, sera remporté soit par le FLN soit par les indépendants. Il aura lieu obligatoirement dans les 45 jours qui suivent la déclaration de vacance du poste. Le président semble avoir porté son choix sur Bensalah, un homme dont les aptitudes à gérer des Parlements n'est plus à démontrer même si sa popularité laisse encore à désirer. Ainsi, et même si le FLN a affiché sa suprématie sur toutes les institutions de la République, la Chambre haute du Parlement reste aux mains du RND, pour quelques mois au moins.