Le mouvement El-Islah, comme le parti de Louisa Hanoune, privilégie une forme nouvelle de pratique de l'opposition. La question que chaque lecteur a dû se poser dans son for intérieur n'a, comme de juste, pas manqué d'être posée. Ahmed Taleb Ibrahimi, invité de la semaine précédente, avait affirmé que l'actuel groupe des 4 est la continuité du célèbre groupe des 6 de la présidentielle de 99. Djaballah présent du premier et absent du second groupe, qui avait appelé au rejet des législatives du 30 mai passé, a expliqué cette défection par le fait que «l'opposition - mais aussi toute la classe politique - ne doit pas se borner à user de la même forme d'action, si elle veut avoir quelque chance de réussir». Trahison de ses anciens alliés? Sans doute pas. Djaballah a eu raison de participer, devenant par là même, la première force d'opposition du pays, mais aussi le premier parti islamiste du pays, loin devant le MSP, et surtout devant, ses premières amours de Ennahda, littéralement écrasés par leur «cupidité politicienne». Djaballah, à ce propos, indique que «les élections législatives de 2002 ont été nettement plus crédibles que celles de 1997». Ajoutant que «le peuple, loin d'être dupe, a sévèrement sanctionné les partis qui n'ont jamais joint le geste à la parole». L'allusion, sévère, s'adresse à des partis particulièrement sanctionnés par le scrutin du 30 mai dernier, comme le MSP, Ennahda et le RND. En revanche, la grande percée du mouvement El-Islah est prise avec une certaine «réserve» puisque le président de ce mouvement n'hésite guère à claironner que «le jour où les élections seront parfaitement propres et honnêtes en Algérie, le mouvement El-Islah sera classé premier et prendra automatiquement le pouvoir». Même si le mouvement El-Islah considère que sa victoire est parfaitement méritée, il n'en ajoute pas moins que «la fraude a émaillé le scrutin du 30 mai dernier». Djaballah, bien que refusant de commenter le verdict du Conseil constitutionnel et le nombre réduit de ses recours, n'en avance pas moins des recours donnant matière à débat. Très méthodique dans ses dissertations, balayant de quelques formules évasives le verdict du Conseil constitutionnel et le nombre réduit de ses recours, Djaballah a cité 5 formes de fraude. Pour lui, «le corps électoral a été grossi puisqu'il est inconcevable qu'un pays de 30 millions d'habitants, avec un taux très élevé de jeunes de moins de 18 ans, puisse avoir 18 millions d'électeurs. Selon nos estimations, il y aurait entre 3 et 4 millions d'inscrits supplémentaires, des inscrits fantômes, en somme». L'autre forme de fraude, soulevée par beaucoup d'autres partis, a trait aux «bureaux spéciaux et bureaux itinérants dont le contrôle échappe quasi systématiquement à la classe politique». S'agissant du troisième point, le président du MNR porte une très grave accusation, signalant au passage qu'il est responsable de ses propos. «Certains éléments de certains corps constitués ont bénéficié de plusieurs cartes d'électeurs, ce qui leur a permis de voter souvent x fois pour un certain parti». Le quatrième point, lié au précédent, concerne «des jeunes qui ont voté, jusqu'à 15 fois au profit du FLN, surtout dans les zones où le boycott était de mise et où il fallait coûte que coûte doper le taux de participation». Enfin, conclut Djaballah, «le tirage au sort pour la surveillance des bureaux de vote nous a été particulièrement défavorable. Par exemple, sur les 4000 bureaux d'Alger, nous n'avons pu en occuper que 800. Cela a permis aux fraudeurs de faire disparaître des bulletins gênants pendant de longues heures. Mais aussi de les déchirer légèrement, de les marquer au stylo, de façon à faire des bulletins nuls de facto». En dépit de ce constat très sévère, Djaballah estime que «ce scrutin a été assez crédible (et que) les garanties du Président étaient particulièrement bonnes». Dopé par sa percée aux législatives, le mouvement El-Islah se prépare activement aux élections locales. C'est quasiment le premier parti à annoncer presque officiellement sa participation au scrutin prévu pour l'automne prochain.