Les 143 milliards de dollars de réserves de change, qui ne peuvent assurer qu'une couverture des biens et services d'une durée de 36 mois, devraient mettre en alerte le gouvernement. L'économie algérienne a aujourd'hui plus que jamais montré sa fragilité. Sa dépendance chronique aux exportations en hydrocarbures rend aléatoire l'émergence d'un secteur producteur de richesses. Les coups de baguette magique ne répondent pas aux lois universelles de l'économie comme les cours du baril de pétrole n'obéissent pas aux réserves d'or noir dont regorge le sous-sol algérien. Le marché pétrolier est tributaire de fondamentaux, de l'offre et de la demande, comme il peut être orienté par des événements géopolitiques, des conflits qui secouent certaines régions du globe. Et lorsqu'une crise économique de l'ampleur de celle que vit l'ensemble de la planète à l'heure actuelle s'en mêle, elle ne peut laisser qu'une très mince marge de manoeuvre aux économies mono-exportatrices, à l'instar de l'économie nationale. Le Premier ministre, chef du gouvernement à l'époque où les prix de l'or noir avaient commencé leur descente aux enfers et atteint leur cote d'alerte, avait tiré la sonnette d'alarme: «En dessous d'un prix du baril à 60 dollars cela commencerait à aller mal», avait déclaré Ahmed Ouyahia. Et les sorties médiatiques ont commencé à foisonner sur un fond de thème dont de sérieux arguments faisaient défaut. «L'Algérie est à l'abri de la crise financière internationale», ont lancé tour à tour à la cantonade le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque d'Algérie et même le ministre de l'Energie et des Mines. Il a fallu l'intervention du président de la République pour que le débat sur cette question dont l'issue était une évidence, soit définitivement clos. «Nous sommes touchés par la crise financière...», avait souligné dans une de ses interventions Abdelaziz Bouteflika et pour mettre un bémol à cette ambiance «surréaliste». Le chef de l'Etat a prévenu, lors de la visite de travail qu'il a effectuée à Ghardaïa, que «l'année 2009 sera l'année des vaches maigres». Depuis, l'attention s'est focalisée sur le programme quinquennal 2009-2014 du président de la République. «Nous avons en termes de viabilité de nos finances publiques et de viabilité de nos équilibres extérieurs, la possibilité de financement sur le moyen terme, c'est-à-dire jusqu'à 2014, et ce, tout en maintenant un niveau de change convenable et en annulant quasi totalement notre dette extérieure», a confié dans une interview à l'APS le grand argentier du pays. Le débat sur ce terrain n'a pas à avoir lieu. Qui a dit le contraire? Certainement pas le peuple puisque sur la base de ses promesses, Abdelaziz Bouteflika fut porté pour la troisième fois consécutive à la magistrature suprême par plus de 90% des électeurs. La question se pose ailleurs. L'Algérie, avec des revenus pétroliers qui ne devraient pas dépasser les 50 milliards de dollars en 2009 et une facture des importations du même volume, ne risque-t-elle pas de se retrouver avec une balance commerciale déficitaire et, par conséquent, détériorer ce fabuleux matelas financier de 143 milliards de dollars? Karim Djoudi écarte ce scénario mais reconnaît que le risque d'un déséquilibre de la balance des paiements existe. La flambée des prix des produits de consommation de base, de celui des fruits et légumes, les crises récurrentes de la pomme de terre, de la filière du lait et la facture des importations en produits alimentaires en constante augmentation (8 milliards de dollars en 2008) ne rassurent guère au moment où les prix du pétrole sont en berne et ce n'est certainement pas ces promesses «d'une année exceptionnelle» par le ministre de l'Agriculture qui feront baisser les craintes. La stratégie de Hamid Temmar est en panne. Les compétences nationales établies à l'étranger font la sourde oreille à Djamel Ould Abbès. Les statuts particuliers de la Fonction publique attendent d'être finalisés alors que les syndicats autonomes affichent leur intention de descendre dans la rue tandis que les harraga sont toujours aussi nombreux à vouloir tenter l'aventure de l'immigration clandestine. Et ce n'est certainement pas un secteur hors hydrocarbures moribond dont les importations rapporteront moins de 1,5 milliard de dollars en 2009 qui seront d'un quelconque secours à une économie nationale à la croisée des chemins.