Le ministre des Finances a, certes, livré des chiffres plutôt rassurants mais a occulté la question de la dépendance de l'économie par rapport aux exportations en hydrocarbures. Le grand argentier du pays est rassuré. Les réserves de change ont atteint 146 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre 2009. De quoi assurer à l'économie nationale une autonomie de trois années d'importations. Une bonne nouvelle en soi. Est-ce pour autant un argument suffisant pour pouvoir affirmer que l'on est tiré d'affaire? La sévère dégringolade des cours de l'or noir, qui assurent près de 98% des recettes dont a besoin l'économie algérienne pour fonctionner, a, une fois de plus, démontré la fragilité de l'économie nationale. Elle ne tient finalement qu'à peu de chose. Dès que les prix du pétrole s'effondrent, la sécurité alimentaire des Algériens est mise en jeu. La facture des importations en produits alimentaires a été estimée à quelque 8 milliards de dollars en 2008. Celle des céréales s'est élevée à elle seule, à 3 milliards de dollars. Une note que ne peuvent assurer les exportations hors hydrocarbures. Les déclarations du ministre des Finances n'auraient probablement pas eu droit de cité si l'on disposait d'une économie diversifiée, productrice de richesses. Certes, il y a eu le projet de stratégie industrielle annoncé en grande pompe par Abdelhamid Temmar en 2006 et dont l'objectif était de dégager des pôles d'excellence afin de préparer l'Algérie à l'après-pétrole. «Nous avons présenté au gouvernement un projet sur la stratégie industrielle, dont le cadre a été approuvé. Nous allons nous rencontrer chaque semaine pour approfondir le dialogue point par point sur le sujet», avait annoncé, il y a maintenant plus de trois ans, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Depuis, plus rien. Ou presque. «Pour cette stratégie industrielle, je vais être brutal. Elle a fait beaucoup plus de communications que d'actions. Elle n'a jamais été adoptée en Conseil des ministres», avait confié sur les ondes de la Radio nationale, le 11 mars 2009, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, jetant ainsi un discrédit sur les actions de certains membres du gouvernement, beaucoup plus enclins à entretenir une certaine culture qui fait surtout dans l'autosatisfaction. Cela n'a aucun effet rassurant. Comme ne sont guère rassurantes à moyen et long termes les déclarations faites par Karim Djoudi aux députés de l'Assemblée nationale. Elles mettent en exergue la situation de précarité dans laquelle peut se retrouver du jour au lendemain l'économie nationale. Il suffit juste que les cours du baril de brut chutent lourdement et durablement. Les exportations ayant culminé à 78 milliards de dollars en 2008, grâce essentiellement aux prix du pétrole, permettront tout juste cette année à la balance commerciale d'afficher un léger excédent. Plus que jamais l'Algérie n'a autant importé qu'en 2008. 40 milliards de dollars. Un record qui devrait toutefois être revu à la baisse cette année suite aux décisions restrictives prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire de 2009. La croissance de l'ordre de 10% prévue en 2010 par le ministre des Finances en ce qui concerne le secteur hors hydrocarbures, se traduira par des miettes dans une telle conjoncture. Tout repose, principalement, sur les exportations d'or noir et de gaz. Le secteur hors hydrocarbures rapporte, bon an mal an, 780 millions de dollars. En ce qui concerne l'année 2009, on peut effectivement dire que l'économie nationale s'en est sortie sans trop de casse si l'on se réfère aux dégâts occasionnés par la crise financière internationale. En Algérie, les cours du pétrole qui se sont redressés depuis leur effondrement en décembre 2008, 32,40 dollars le baril, ont redonné de la vigueur à la croissance. Reste malgré tout que le pouvoir d'achat a été laminé par la flambée des prix des produits de consommation, des fruits et légumes et des viandes. Le gouvernement n'a pu contrer les spéculateurs, comme il n'a pu trouver de solution au phénomène des harraga, ainsi qu'à celui de la fuite des compétences à l'étranger. L'Exécutif se trouverait-il en panne d'idées, d'imagination? Ou bien manque-t-il d'une stratégie de communication, ce qui tend à l'éloigner des préoccupations des citoyens qui ne demandent qu'à être rassurés? La campagne de vaccination contre la grippe A qui donne l'impression de tourner au fiasco, représente le prototype même de la fracture entre les gouvernants et les gouvernés. En ce sens, les affirmations du grand argentier du pays qui se veulent rassurantes ne sont pas pour autant annonciatrices d'un avenir stable. «Les réserves de change disponibles assurent à l'Algérie trois années d'importation» avait déclaré, jeudi, Karim Djoudi. Et après, Monsieur le ministre?