Plusieurs manifestations culturelles ont marqué la journée du 29 juin, pour rendre hommage à l'homme au grand coeur. Cela fait 10 ans que Mohamed Boudiaf nous a quittés, fauché par des balles assassines au moment où l'Algérie était sur le point de prendre un nouveau virage, un nouveau départ et de s'épanouir... Mais le destin en a voulu autrement. 10 ans après, son souvenir reste toujours cuisant dans notre mémoire. Pour commémorer la mort de Boudy, une série de manifestations a marqué la journée du samedi 29 juin. Plusieurs activités culturelles organisées çà et là par la Fondation Mohamed-Boudiaf, ont été programmées à Alger et Annaba et notamment à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma où une conférence portant sur «le message de Mohamed Boudiaf» fut animée par Réda Malek au cours de l'après-midi. «Il avait tendu la main aux Algériens le 16 janvier 1992, à son retour au pays répondant à l'appel du devoir, et tracé des repères pour faire sortir l'Algérie de la crise», a-t-il indiqué et d'ajouter: «Les idées ne meurent pas, surtout si elles restent enracinées dans la mémoire collective des Algériens et le symbole inaltéré qu'il incarnait, son exemple restent une source d'inspiration dans un pays qui a besoin de repères.» La conférence sera suivie de trois vernissages, et non des moindres, de trois expositions de peinture avec le groupe Essebaghine, du caricaturiste Ali Dilem et du photographe Karim Abdesselam et ce, dans la salle d'exposition de la Bibliothèque nationale d'El-Hamma. Trois expositions, trois façons de voir l'Algérie qui par sa palette de couleurs, qui par son crayon et qui par son appareil photo et sa pellicule, hommes et femmes partageant tous un vrai et profond attachement pour cet homme qui a laissé un grand vide dans nos coeurs et dans le pays tout entier. D'abord, Essebaghine, huit plasticiens représentatifs d'une génération d'artistes qui revendiquent un courant contemporain de la peinture, anticonformiste à souhait, mais paradoxalement bien ancrés dans leur temps et résolument tournés vers l'avenir, le secret de la création en fait. Essebaghine, huit artistes, huit visions artistiques, une seule philosophie de la vie, un hommage qu'ils ont tenu à rendre à notre cher «Président», celui que l'on surnommait avec tendresse et beaucoup d'affection, «Boudy», pour sa simplicité naturelle, sa générosité, sa façon d'être tout le temps à l'écoute de tout le monde en général et du peuple en particulier, qu'il chérissait tant. Ammar Bouras, Adlane Djeffal, Meriem Aït El-Hara, Noureddine Ferroukhi, Zoubir Hellal, Karim Sergoua, Kheira Slimani et Jaoudet Gassouma, eux aussi, étaient sortis comme ces centaines de milliers de jeunes, en ce début de juillet 1992, 30 années presque jour pour jour après l'Indépendance de l'Algérie dans les rues d'Alger pour crier leur solitude. Après s'être mis d'accord autour d'un manifeste pour dire non au conformisme, après avoir réalisé plusieurs expositions collectives pour prouver que la peinture, c'est du sérieux, ils ont décidé pour le 29 juin de nous raconter les dix années de l'Algérie sans Mohamed Boudiaf. Chacun selon sa sensibilité et son style pictural a tenu à rendre hommage à ce grand monsieur qui, un jour, a décidé de croire et de faire confiance aux jeunes. Parmi ceux-là, le fameux caricaturiste au trait tranchant et acerbe, Ali Dilem, lui, dont le «malheur» du hasard a voulu que la date de son anniversaire de naissance, coïncide avec la date de l'assassinat de Boudiaf. Que dire de plus, tout un symbole, mais au-delà du cliché et sans tomber dans l'alarmisme, c'est parce qu'il a mal à l'Algérie qu'Ali ne cesse de crayonner du «noir», ce n'est que pour mieux renaître et voir un jour un meilleur lendemain, fait de progrès, de paix et surtout d'amour. Un paradoxe qu'il traîne pour mieux le servir et nous servir et qu'enfin, s'éveillent les consciences car le message des icônes est parfois plus éloquent que le plus beau des discours. L'autre artiste qui a exposé ses oeuvres est le photographe Abdesselem Karim. Lui, aussi est né un certain 29 juin 1965. A travers sa double sensibilité méditerranéenne et africaine, du haut de ses 15 années d'expérience, Karim nous a offert en exclusivité, via cette expo-témoignage sa propre émotion, mais aussi, celle de milliers d'Algériens qui se seront certainement reconnus. Sous l'objectif de son appareil, Karim Abdesselem a happé tous les moments forts, lors du passage du cortège funéraire, en ce début de juillet 1992, des images de centaines de milliers de jeunes venus ce jour-là, adresser leurs derniers hommages à Boudy. Karim était bouleversé comme ces jeunes qui n'avaient pas encore 30 ans et qui étaient sortis hurler parce qu'un espoir venait de leur être brusquement arraché. Karim était là, mais il avait, en plus, son appareil photo. Il est monté dans un appartement qui donnait sur la rue Hassiba et commençait à mitrailler de son objectif le passage du cortège funéraire. Dix ans plus tard, après avoir fixé le temps pour mieux le retenir, Karim a décidé de libérer ses sensations par ces images-vérité.