Le n°2 mondial a une occasion rêvée de remporter son premier Roland-Garros et d'égaler le record de 14 victoires en Grand Chelem de Pete Sampras. C'est sa 4e finale de suite à Paris mais la première dont il est l'indiscutable favori. Battu par Rafael Nadal ces trois dernières années, le Suisse retrouve à la place un Suédois classé au 25e rang mondial, tombeur de Nadal en huitièmes, mais que Federer a toujours battu en neuf rencontres. Il faut toujours se méfier des capacités de réaction d'un champion mais il est possible qu'à 27 ans Federer n'aura plus jamais une telle occasion de l'emporter à Paris. S'il la saisit, les répercussions seraient énormes. Avec quatorze titres majeurs, il rejoindrait Sampras dans la légende, avec des chances raisonnables d'améliorer le record dans les semaines et mois qui viennent. Il deviendrait également le sixième joueur de l'histoire à remporter les quatre tournois du Grand Chelem, le premier depuis Andre Agassi. Il serait le seul avec l'Américain, qui a complété son tour de table il y a dix ans à Paris, à l'avoir réussi sur trois surfaces différentes. Ils sont nombreux à penser qu'avec ces faits d'armes, conjugués aux nombreux records qu'il a déjà battus, Federer endosserait définitivement le titre honorifique mais difficile à trancher de meilleur joueur de tous les temps. Certains diront qu'une victoire au détriment d'un joueur autre que Nadal, qui l'a privé de sa première occasion d'égaler Sampras en finale de l'Open d'Australie en janvier, n'aurait pas tout à fait la même saveur. Federer lui-même a reconnu après l'élimination de l'Espagnol qu'une «victoire sur Nadal en finale aurait été le scénario rêvé». Mais cela n'enlèverait en fin de compte rien à ce qui serait un des plus grands événements de l'histoire de tous les sports confondus. Un succès de Federer serait également un virage spectaculaire dans la carrière du Suisse: gagner pour la première fois à Paris alors qu'il était annoncé sur le déclin ces derniers mois, serait pour lui, qui n'a jamais accepté cette vision des choses, la plus douce des revanches. Il ne fait pourtant aucun doute qu'il est moins dominant que par le passé. Jamais il n'a connu autant de difficultés pour atteindre une finale du Grand Chelem, la 19e de sa carrière, record d'Ivan Lendl égalé. Autre paradoxe: il aura fallu attendre qu'il perde sur deux de ses terrains de chasse favoris, à Wimbledon l'an dernier et en Australie en début d'année, pour peut-être s'imposer pour la première fois en territoire ennemi. Le tennis, parfois, est un sport bizarre. Mais reste donc à franchir un dernier obstacle, dont la hauteur est une vraie inconnue. Si Soderling joue comme lors de ses six premiers matchs, Federer va souffrir et Mats Wilander, dernier Suédois à avoir triomphé à Paris, peut-être avoir un successeur. Robin Soderling ne veut plus s'arrêter à Roland Garros. Nadal, Davydenko et maintenant Gonzalez ont tous plié sous ses coups droits fracassants. Encore faut-il que Soderling joue comme lors de ses six premiers matchs. Or la liste des joueurs qui redescendent brutalement de leur nuage dans une grande finale est au moins aussi longue que la silhouette du Suédois. La simple perspective de devoir prononcer un discours en a désarçonné plus d'un. Réputé pour être capable de dégoupiller à tout moment, Soderling a fait preuve d'un calme étonnant lors de cette quinzaine. Mais a-t-il vraiment changé? Ce sera la clé de la finale, sachant qu'en termes d'expérience il n'y a photo entre Federer qui est comme chez lui dans les finales du Grand Chelem et Soderling dont ce sera la grande première.