Les dirigeants africains sont parvenus à trouver un arrangement sur les institutions qui doivent remplacer peu à peu l'actuelle Commission africaine. Les dirigeants africains clôturaient hier un sommet de trois jours à Syrte (Libye) après être parvenus dans la nuit à un compromis a minima sur leurs institutions communes, sans aller jusqu'au «gouvernement africain» voulu par Mouâmmar El Gueddafi. Hier matin, à l'issue d'une très courte nuit, le sentiment dominant parmi les délégations était que «la volonté d'aller doucement dans la voie de l'intégration l'avait emporté» malgré des concessions faites au «Guide» libyen, expliquait un diplomate. Les chefs de d'Etat de l'Union africaine (UA) se sont retrouvés en milieu de journée pour passer en revue au pas de charge la série de conflits et de crises qui minent le continent, en accordant une attention particulière à la Somalie. Ils devaient aussi se pencher sur un projet de résolution dans lequel les 53 membres de l'UA s'engagent à ne pas arrêter le président soudanais Omar el-Bechir, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. La proposition, fermement soutenue par El Gueddafi et qui avait donc des chances d'être adoptée selon plusieurs délégations, risque de placer en porte-à-faux les 30 Etats africains ayant ratifié les statuts de la CPI. Tard dans la nuit, les leaders africains ont mis fin, à l'issue d'une discussion marathon de quatre heures, à un débat houleux qui durait depuis plusieurs mois. Ils ont décidé de remplacer l'actuelle Commission de l'UA par une «Autorité» disposant d'un rôle de «coordination» en matière de «politique de défense commune». Elle pourra aussi «parler au nom» de toute l'UA «au sein des organismes internationaux, notamment dans le domaine de la politique extérieure», mais «sur mandat des Etats membres». Pour entrer en vigueur, cette Autorité devra d'abord être approuvée par l'ensemble des Parlements nationaux. Il s'agit, selon les diplomates, d'une timide avancée vers les «Etats-Unis d'Afrique» dont El Gueddafi, président en exercice de l'UA, a fait son grand projet. Un délégué d'un pays d'Afrique de l'Est reconnaissait hier «ne pas y voir encore tout à fait clair» sur la portée réelle des changements intervenus. Pour le ministre béninois des Affaires étrangères Jean-Marie Ehouzou, «les Etats sont prêts à laisser tomber une partie de leur souveraineté au profit de cette Autorité». Mais certains pays, comme le Nigeria et plusieurs Etats d'Afrique australe, ont clairement fait savoir qu'ils n'étaient pas prêts à aller jusque-là, estimant qu'une coopération économique accrue devait précéder l'intégration politique. Un délégué d'un de ces pays parlait même d'une «embuscade» tendue par Mouâmmar El Gueddafi pour forcer leur assentiment. Un autre assurait que des concessions avaient été faites car «il est difficile pour des pays fragiles et instables» de s'opposer au leader libyen. Il notait aussi que, parmi les Etats réticents, seuls les plus importants ou les plus éloignés géographiquement de la Libye avaient publiquement fait connaître leur désaccord. Faute de temps, le Sommet devait effectuer hier un rapide tour d'horizon de la situation sécuritaire et des conflits en Afrique, où coups d'Etat et crises politiques se sont multipliés ces derniers mois (Madagascar, Guinée Bissau, Niger...). Les leaders africains devaient se concentrer sur la Somalie, où la crise est considérée par l'UA comme «la plus aiguë» de toutes. Les dirigeants des pays voisins de la Somalie, dont l'Ethiopie et le Kenya, ont réclamé l'envoi «sans délai» de soldats africains supplémentaires pour aider le gouvernement de transition qui lutte pour sa survie face à l'avancée des islamistes radicaux.