Invité à la Librairie générale d'El Biar, jeudi dernier, l'homme de lettres et de culture Hamid Grine s'est prêté aux jeux de nos questions entre deux signatures de ventes-dédicaces de l'ensemble de ses romans... L'Expression: Peut-on connaître, M.Hamid Grine, le livre qui a le plus marché? Hamid Grine: Selon mes éditeurs, il y a deux livres. Il s'agit de Chroniques d'une élection pas comme les autres qui revient sur les élections de 2004. Je pense que c'est le premier essai politique en Algérie. Il s'est vendu à 5000 exemplaires. Sur le même plan, il y a aussi Cueille le jour avant la nuit, sorti en 2005. C'est un recueil ou récit philosophique frotté à mon quotidien et à ma vie, de ce que j'ai enduré, subi mais également de ce que j'ai reçu de merveilleux. Il s'est vendu lui aussi à 5000 exemplaires. Viennent dans le désordre, La dernière prière, à 3000 exemplaires, La nuit du henné, qui s'est vendu à 2000 exemplaires, et Le café de Gide qui a été réédité et s'est vendu à 2000 exemplaires. Un mot sur le dernier roman qui se passe à Biskra? Oui, c'est ma ville natale. Mais j'ai également vécu dans d'autres villes. Vous savez qu'André Gide a fait six longs séjours à Biskra. Il a parlé de Biskra dans tous ses livres. Il idéalisait et magnifiait Biskra. Nous avons vécu dans le souvenir de ce grand écrivain. Il y a même un café qui s'appelait le café de Gide. Le narrateur dans le roman, qui s'appelle Azouz, n'aime pas sa ville parce que c'est un trou perdu dans le Sud, alors, quand son enseignante lui dit qu'André Gide, prix Nobel de littérature en 1947, avait vécu à Biskra, du coup sa ville est valorisée. En fait, la question qui court dans tout le livre, ce n'est pas du tout la pédérastie de Gide, c'est la question du patrimoine depuis 1968 à nos jours. Qu'avons-nous fait de notre patrimoine? Quand je parle de Biskra, je parle de Tizi Ouzou, de Tiaret, de Annaba, de Ghardaïa, de toutes les villes d'Algérie. Hormis, selon moi, Batna et Sétif qui se sont développées et se sont reconstruites, toutes les autres sont en partie détruites. Des projets d'adaptation de votre livre au cinéma? Oui, j'ai eu des propositions fermes de la part d'un réalisateur algérien très connu. Il m'a dit qu'il n'a pas dormi de la nuit. A la suite du Café de Gide, il a lu tous mes romans. Je l'ai rencontré récemment à la télé. Il m'a dit qu'il a un problème de montage financier. Ce problème de finance se pose également pour La nuit du henné. C'était Rachid Dechemi qui voulait l'adapter au grand écran. L'autre, c'est Tikouk, qui est connu pour les série télé, etc. Les deux ont des ennuis de budget car ça nécessiterait au moins cent millions de dinars. C'est très difficile de collecter cet argent en 2, 3 mois. Un prochain livre? C'est un roman qui parle de la presse. D'une certaine presse plus particulièrement. Mais pas des grands journaux qui donnent l'information et sont sérieux. Cela va concerner les petits journalistes et directeurs de journaux qui font du chantage aux grandes entreprises. Comme il se fait dans certains pays: «Ou bien vous me donnez tant en argent, ou bien je fait un dossier sur vous!» Dieu merci, on n'en ai pas encore arrivé là en Algérie. L'histoire, je précise, est purement fictive, en tout cas, jusqu'à la preuve du contraire. C'est un roman que j'écris avec beaucoup de bonheur. D'abord, parce que je me sens toujours journaliste. Je l'étais pendant longtemps et je le suis encore. Donc, c'est un milieu que je connais. Le Festival panafricain, que vous suggère-t-il? Il me rappelle ma jeunesse. En 1969, j'avais 15 ans. J'ai beaucoup aimé. Vous savez, ma défunte mère disait -que Dieu ait son âme- «La jeunesse est un avant-goût du paradis.» Le Panaf me rappelle donc ma jeunesse. J'ai beaucoup chanté et dansé. C'était la découverte de l'Afrique. Le Panaf de 2009 ne me rappelle rien jusqu'à maintenant car je vais le vivre. Je compte le vivre pleinement, avec d'autres émotions, avec un autre âge et tempérament que j'avais il y a 40 ans. Enfin la littérature pour vous c'est quoi? Vous savez à un certain âge, je lis pour me construire, me nourrir et me fortifier. Actuellement, je lis très peu de romans. Le dernier que j'ai lu est Millénium, un best-seller en France qui s'est vendu à 20 millions d'exemplaires. Pour l'instant, je lis Le journal inutile de Paul Moran, Le journal de Thomas Mann, les deux tomes. Magnifiques. Je lis aussi Les 40 lois du pouvoir. C'est un roman-culte d'un écrivain américain. C'est un roman extraordinaire qui revient sur le cardinal de Reims, sur Casanova, sur les grands philosophes. Il a fait sa thèse en se basant sur ces philosophes, sur la conduite que doit tenir un être humain pour éviter les écueils et arriver à s'épanouir, même dans des situations extrêmes.