«Rouf a dhabel laâyen», supplie El-Hachemi, mais l'amour est une question sans réponse. Alger, vendredi soir: la fête. Dehors et en dedans. Dehors, les Usmistes garantissaient l'ambiance: cortège et fumigènes. Salle Ibn Khaldoun. Les policiers ont du mal à contenir les jeunes. Comme toujours. C'est l'habitude, paraît-il. Ils sont tous venus voir le maître. Guerrouabi, El- Hadj El-Hachemi Guerrouabi va chanter. C'est un événement. Un vieux en complet Shanghaï avec sa aâdjouza fend la foule compacte à l'entrée de la salle. Billet à la main, tenu comme un talisman, harz, le vieux monsieur regarde la minibousculade avec philosophie. L'équipe de la télévision algérienne est interdite d'entrée. Pourquoi? «Comme ça!», dit-on. «On ne sait pas comment ont été vendus les billets», s'indigne un confrère. A l'intérieur, la salle est archicomble. Jeunes adeptes du chaâbi, familles très-comme-il-faut avec éventail, châles et robes de soirée L'ambiance est cool. On attend. Les lumières baissent. L'orchestre fait son entrée. Touchia Ghrib ouvre la soirée. Prémices d'un enchantement made in chaâbi saupoudré d'un andalousi bien dosé. Guerrouabi fait son apparition. Derrière ses lunettes, son regard sourit. Standing-ovation à El-Hachemi. Istikhbar après l'autre, envolées du mandole et rêveries secrètes du piano, le monde se recrée devant nos yeux. «El- taleb», ne saurait nous guérir de cette fièvre colportée par toutes les «khoudate» du paradis terrestre. Derrière les murs épais des palais princiers, de langoureuses amoureuses se prélassent à l'ombre des «Hassan», énuques noirs fiers et ombrageux. Ibn Khaldoun, la salle, disparaît. On est déjà loin. Guerrouabi joue de ses cordes vocales comme les bien-aimées des coeurs suppliciés. Mais «El herraz» n'est pas dupe et les supplications de tous les amoureux de la terre ne sauraient dilapider les tonnes de patience. «Rouf a dhabel laâyen» supplie El-Hachemi, mais l'amour est une question sans réponse. C'est pour cela que le Chaâbi existe. Le public ne fait qu'un avec la conjonction de la voix et des instruments cristallins. On applaudit. On pousse des youyous. Ambiance de stade parfois. Allure de mariage d'antan souvent. La soirée s'achève. Guerrouabi salue son public. On le lui rend bien. «Wallah z'hina», conclut un jeune. Dehors des supporters de l'USMA ont pris le relais. Alger poursuit son sommeil sous le regard hébété des sans-abri et des quelques policiers aux carrefours.