Il rêvait d'une grande unité du continent, d'une grande fédération des pays d'Afrique, mais avait également mis en garde contre les corruptions. Le Colloque international sur la pensée et l'oeuvre de Frantz Fanon, initié par le Centre de recherches préhistorique, anthropologique et historique et qui entre dans le cadre du Panaf 2009, a pour but de faire le point sur l'influence multiforme de la pensée de Fanon sur les Mouvements de libération africains. Cette rencontre, de deux jours, a vu l'intervention de penseurs et d'écrivains du Maghreb, des Antilles et d'Afrique visant à mettre en lumière les productions littéraires et artistiques que l'exceptionnelle vie de militant de Fanon a inspirées. «Frantz Fanon avait une vision panafricaine, rêvant d'une grande unité du continent africain et d'une fédération des pays d'Afrique», ont relevé des intervenants sur la pensée et l'oeuvre de cet homme qui fut un combattant des droits universels des peuples. «Sur le plan politique, Fanon avait mis également en garde contre les corruptions, les implications de ce qu'on pourrait appeler le néo-colonialisme et les mésaventures de la conscience nationale», ont-ils indiqué. Pour ces intervenants (chercheurs et scientifiques nationaux et africains), dans les pays où elle sévissait, «la domination coloniale s'exerçait pour ainsi dire à visage découvert». C'est contre cet édifice impitoyable et violent que Fanon s'est, «corps et âme, engagé, montrant des analyses visionnaires et réalistes, en même temps que ce type de violence engendre nécessairement une contre-violence», a-t-on dit. Pour Mireille Fanon-Mendès France, fille de Frantz Fanon, «face à la recolonisation du monde, les dominés réagissent de plus en plus aux coups de force des dominants et s'organisent pour reconquérir leurs droits, faire prévaloir d'autres valeurs tels la solidarité entre les peuples, la coopération et le droit au développement». De son côté, le professeur Zineb Ali-Benali a souligné que Fanon «a lancé un appel, dans les dernières lignes des Damnés de la terre», annonçant la fin du monde colonial. «Déjà, dans ses études sur la société algérienne en guerre, Fanon montre comment la lutte de libération transformait les relations entre les femmes et les hommes, comment les premières inventent, à cette occasion, une nouvelle façon d'être, un nouveau monde, avant l'ère postcoloniale», a-t-elle relevé. Henri Bah, enseignant et chercheur de Côte d'Ivoire, a considéré Fanon, «couramment perçu comme militant de l'indépendance de l'Algérie, fer de lance du mouvement tiers-mondiste, comme un combattant pour les droits universels de l'homme». «Si la lecture horizontale de ses oeuvres révèle une critique des valeurs et manoeuvres coloniales, en tête desquelles se situe l'idéologie des droits de l'homme, une approche verticale de sa pensée montre une adhésion intellectuelle et spirituelle de Fanon à l'idéal des droits universels de l'homme», a-t-il estimé. Selon Mme Alice Cherki, psychanalyste, «la pensée anticipatrice de Fanon liant libération subjective, culturelle et politique n'est plus à démontrer, car elle s'inscrit en rupture avec les pensées politiques, sociologiques et même psychiatriques de son temps». Pour résister, selon elle, «à l'air du temps présent où les formes nouvelles de domination ne cessent d'entraîner une politique sécuritaire, une ethnicisation des conflits, régression culturelle et assujettissement des individus, il faut refaire vivre cette résistance à la lumière de la conception, souvent oubliée de Fanon, de la culture comme mutation sociale vers un nouvel universalisme».