Avec la conjonction de tous ces phénomènes, le moral des Algériens est mis à rude épreuve. Le mal-vivre est-il en passe de devenir une marque de fabrique de l'Algérien? Assurément oui, si l'on se base sur le fait que le citoyen continue toujours d'être confronté à des drames à répétition compliquant son quotidien. Incendies, noyades, suicides, harraga sont autant de phénomènes qui rythment le vécu des citoyens qui sont toujours dans l'incapacité de renverser la vapeur. Ils sont alors des témoins impuissants de la déliquescence de la société, au grand dam des moralisateurs qui ne cessent de prétendre que la communauté est d'aborde vertueuse. Pourtant le terrain est là pour démentir cette assertion, à tel point que l'existence de millions de gens est «empoisonnée». La liste des méfaits constatés chaque jour sur la voie publique est presque interminable. A cela il faut ajouter les drames familiaux qui se déroulent souvent à l'abri des regards: la violence contre les femmes et les enfants témoigne de ces dérapages incontrôlés d'une société qui n'a jamais pu stabiliser ses repères. Partout c'est le sentiment d'insécurité permanent qui règne. Intoxications, dégradations, actes de vandalisme, accidents de la circulation, vols, agressions, délinquance juvénile sont autant de phénomènes qui rappellent qu'il est presque impossible de traverser une rue, de sortir d'une banque ou de circuler dans sa voiture sans être aux aguets. Une vigilance de tous les instants est sollicitée pour éviter de faire partie des victimes de la vie. Même les kidnappings et les séquestrations avec demandes de rançon ont fait leur apparition alors que ce n'était pas du tout dans la tradition des bandes de malfaiteurs. Le citoyen a intériorisé la menace pesant sur sa sécurité à tel point qu'il a fini par se soumettre au choix ou à l'obligation de se barricader à l'intérieur de sa maison. Les locataires et les propriétaires d'appartements dans les nouvelles cités se voient prodiguer ces quelques conseils de sécurité à leur arrivée sur les nouveaux sites: changez les serrures de vos portes. Cela illustre parfaitement l'étendue de la psychose qui s'empare des Algériens. Comme si toutes les précautions du monde ne suffisaient pas, il y a même des sociétés spécialisées qui vous invitent à installer des portes blindées. Le marketing de la peur est poussé à son paroxysme lorsqu'on constate que des cartes de visite de ces marchands de la sécurité sont glissées sous les portes des appartements. La batterie de maux qui pèse comme une chape de plomb sur la tête des citoyens dépasse de loin les contrariétés locales. Depuis quelques mois, la palme d'or de l'angoisse aurait pu revenir à la grippe porcine. Etonnamment, ceci est loin d'occuper la première loge dans la liste des craintes auxquelles sont soumis les citoyens. Peut-être qu'ils en ont déjà assez vu pour que plus rien ne les étonne. Pour eux, tout ce qui ne les tue pas renforce leur immunité, comme le décrète un adage populaire. Alors comme à chaque été, c'est le grand branle-bas. C'est une saison propice aux déclarations tonitruantes et aux promesses les unes plus audacieuses que les autres. C'est en été qu'on promet de renforcer les effectifs de la police nationale pour améliorer la sécurité. C'est en été qu'on fait appel à des volontaires pour épauler les services de la Protection civile et lutter contre les incendies. C'est en été qu'on promet d'augmenter la cadence des contrôles des inspecteurs pour limiter les cas d'intoxications alimentaires. Et la liste n'est pas exhaustive... En été pourtant, c'est un autre mal qui vient ronger la société comme celui des coupures d'électricité. Du coup, adieu les climatiseurs et les ventilateurs! De quoi rendre aigu plus d'un. En période de canicule, il n'y a rien de tel pour exacerber la mauvaise humeur des gens qui deviennent vite asociaux. Car ce ne sont pas seulement les individus dont le bien-être est remis en cause par les petits et les grands «bobos», mais la stabilité d'une société toute entière. Sans soupape de sécurité, c'est l'explosion assurée. Mais même les quelques espaces de détente disponibles pour relâcher la pression deviennent des foyers de menace. Les pollutions des plages à Aïn Témouchent et Boumerdès témoignent du fait que les nerfs des citoyens sont à fleur de peau à chaque instant de la journée. Et la nuit n'est pas du tout synonyme de quiétude. Moustiques, chaleur, vrombissement des moteurs de voitures et de motos et bruit émanant des salles des fêtes sont là pour garantir des sommeils agités. Et pourquoi pas des cauchemars?