Chaque citoyen, muni d'une charge de béton armé, impose son propre ralentisseur. Le nombre impressionnant de ralentisseurs ou de dos-d'âne posés par les citoyens sur les routes entrave dramatiquement la circulation routière à travers la wilaya de Tizi Ouzou. Parallèlement, un autre chiffre donne froid dans le dos. Vingt et un morts dans les accidents de la circulation depuis le 1er janvier, tous causés par l'excès de vitesse. Sans compter les victimes ayant succombé à leurs blessures. Il faut bien que ces morts soient inclus par les statisticiens. Dans ce contexte, les autorités concernées et les citoyens sont dos à dos face à ce dilemme. D'une part, les premières affichent un laxisme complice des citoyens qui érigent des milliers de ralentisseurs sauvages sur les routes. D'autre part, les populations justifient leurs initiatives par les risques incalculables pour leur vie et celle de leurs enfants face à l'excès de vitesse des chauffards. Toutefois, cette situation tire ses causes de plusieurs facteurs. Le premier est inhérent au drame national que constituent les accidents de la circulation: plus de quatre mille victimes en une année. Un constat implacable: plus de la moitié des accidents sont dus à l'excès de vitesse. Sur les routes, les autoroutes et même dans les agglomérations, les automobilistes tuent sans distinction. Les populations sont constamment dans la crainte de voir leur progéniture fauchée par des chauffards. Aucune autorité nationale ou internationale ne peut se dire capable de réduire le carnage routier. Ce constat d'impuissance face à la machine à tuer du quadricycle pousse ces populations à se défendre. C'est ainsi qu'à travers toutes les routes, des milliers de ralentisseurs poussent anarchiquement chaque jour. Le comble, c'est que ces dos-d'âne ne respectent nullement les normes et les règles requises. Chaque citoyen, muni d'une charge de béton armé impose son ralentisseur devant chez lui. «Ainsi, les chauffards sont obligés de réduire la vitesse» se justifie-t-on. Cependant, une autre cause de l'émergence de ces dos-d'âne: l'obstination des populations à construire en bordure des routes. Fuyant l'enclavement des villages, les citoyens construisent tout près des routes pour ouvrir un éventuel commerce. De fil en aiguille, c'est toute l'activité économique de la wilaya qui s'est concentrée sur ce réseau routier qui, doit-on le signaler, est le plus dense au niveau national. Dilemme. Alors que les populations se plaignent de la prolifération des dos-d'âne sur les routes, ces mêmes populations oublient qu'elles en sont les artisans. Ainsi, il s'avère aussi que même le laxisme des services concernés trouve son explication dans cette situation paradoxale. Répondre aux doléances des citoyens qui appellent à la réglementation de ces ralentisseurs reviendrait à aller contre leur volonté de se protéger contre les risques de l'excès de vitesse. De ce constat se dégage une autre vérité incontournable: l'urbanisation non maîtrisée de la région, l'unique cause de ce dilemme. La solution ne viendra que de l'instauration d'une politique d'urbanisation fiable et respectant la sociologie de la région. Une démarche urbanistique élaborée par des spécialistes de divers domaines comme la sociologie, l'architecture, la sismologie ainsi que l'économie sera la voie salvatrice de la spécificité régionale du développement local et la préservation des vie humaines sur les routes. En attendant, les populations continuent d'improviser pour se protéger et les autorités observent impuissantes par crainte de soulever la colère. Les chauffards continuent de faire des victimes et les dos-d'âne de rendre la circulation tortueuse entravant ainsi toute la machine économique régionale.