Les pouvoirs publics algériens sont conscients depuis longtemps de la nécessité de préparer l'après-pétrole. Partout dans le monde, en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique latine, au Moyen-Orient et singulièrement chez nos voisins immédiats, le Maroc et la Tunisie, une réflexion féconde et plurielle s'élabore privilégiant le souci de garantir des chances réelles de prospérité aux générations futures, essentiellement grâce à une politique de développement respectueuse de l'environnement, du cadre de vie ainsi que la préservation de la biodiversité. Les pouvoirs publics algériens sont conscients depuis longtemps de la nécessité de préparer l'après-pétrole. Il faut savoir que c'est en juin 1980, à l'occasion du congrès extraordinaire du FLN que le modus operandi de l'après-pétrole avait été posé et même décliné en propositions concrètes. Près de trente ans sont passés depuis, mais notre pays continue de dépendre de façon quasi absolue, et désormais de façon dangereuse, de ses ressources fossiles dont tout un chacun sait qu'elles ne sont pas renouvelables. Certes, depuis 2005, personne ne peut nier que les pouvoirs publics algériens s'efforcent de mettre en place une stratégie de développement qui ne repose plus sur la seule valorisation des hydrocarbures. L'agriculture et notamment l'agriculture saharienne, le tourisme, les services, le développement des PME/PMI, la modernisation des infrastructures occupent une place privilégiée dans le Plan complémentaire de soutien à la croissance (Pcsc) et dans le plan quinquennal de développement (2009-2010); l'objectif, à terme, étant d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Algérie ainsi que son autonomie industrielle et technologique. C'est dans ce contexte qu'a émergé la proposition d'un modèle économique de la filière phoenicicole qui émane d'un éminent chercheur algérien, installé aux Emirats arabes unis, le Dr Brahim Zitouni, qui, l'expose dans un ouvrage remarquable qui vient de paraître aux éditions Tagdempt, intitulé: Nakhoil- le carburant qui nourrit le monde, Alger, 2009, 188 p. Ce modèle repose sur la maîtrise parfaite des différentes techniques d'amélioration des cultures des palmiers. Il semble qu'il ait reçu une large approbation des autorités de notre pays. Reste au ministre de l'Energie et des Mines à lui accorder son agrément, car il s'agit d'une activité réglementée. Dans son ouvrage, l'auteur propose au secteur des hydrocarbures une plate-forme d'intégration constituée par la filière phoenicicole pour élaborer une filière agro-énergétique originale. L'auteur est parvenu, selon nos informations, à convaincre notre remarquable ministre de l'Agriculture des vertus de la coplantation entre palmiers dattiers, laquelle pourrait générer une multiplicité de cultures destinées à la substitution des importations. En plus de son projet industriel, le Dr B. Zitouni se propose de perfectionner le thème de l'après-pétrole et, notamment de la valorisation de la filière phoenicicole, en amont, autrement dit de solliciter l'ensemble des institutions et des acteurs qui interviennent dans tous les domaines de la vie du pays: l'école, l'université, le centre de recherche, l'entreprise industrielle, l'entreprise agricole pour qu'ils acceptent de porter ce projet. Dans le contexte actuel de la mondialisation, l'Etat algérien n'a pas la prétention d'investir tous les espaces sociaux, culturels et économiques pour s'assurer d'une insertion vertueuse dans la globalisation. Il a besoin de s'appuyer sur un mouvement associatif dynamique, imaginatif, capable de mobiliser les meilleures compétences nationales. Le rôle de la société civile Nos élites intellectuelles ne sauraient demeurer passives face à la révolution des idées, des concepts et des stratégies, qui s'installe partout dans le monde, à des degrés variables suivant les régions et les pays. Il n'est que d'observer les mises en garde feutrées que nous adressent les pays désireux de nous vendre leur nucléaire civil pour que nous prenions la mesure des risques de dépendance future que l'épuisement à terme de nos ressources en hydrocarbures porte en germe. Toute notre élite, qu'il s'agisse de l'élite qui a fait le choix de rester en Algérie comme celle qui, pour toutes sortes de raisons, a été amenée à s'exiler en se coupant malheureusement de sa terre d'origine, devra être sollicitée afin qu'elle puisse, enfin, mettre son savoir-faire, son expérience et ses capacités d'innovation au service de l'indépendance énergétique, alimentaire et technologique de l'Algérie. Jusqu'à présent, toutes les tentatives faites pour créer un cadre institutionnel visant à impliquer dans le développement de l'Algérie, les compétences nationales locales que celles résidant à l'étranger, ont échoué. Parmi les défis que notre pays doit relever, il y a celui d'imaginer un cadre novateur pour accompagner de façon concrète des projets de recherche/développement qui sont en adéquation avec nos besoins industriels et technologiques. Tous les pays soucieux de préparer l'avenir des générations montantes ont fait ce pari et l'ont gagné, qu'il s'agisse de la Chine, de la Corée du Sud, de l'Iran, des pays arabes du Golfe ou encore d'Israël. Il n'y a aucune raison pour que notre pays reste indéfiniment en marge de cette dynamique, d'autant moins d'ailleurs, que la volonté de nos chercheurs de l'étranger de contribuer au développement scientifique et technique de leur pays est plus grande que partout ailleurs. Ce n'est pas là le moindre des paradoxes que nos pouvoirs publics se doivent de démêler sans tarder. Au moment où le projet de loi modifiant la loi du 27 décembre 1990 sur les associations, que le ministre de l'Intérieur est appelé à déposer devant la représentation nationale dans les semaines qui viennent, suscite des inquiétudes quant aux restrictions qu'il pourrait contenir à l'exercice des libertés, alors que M.Zerhouni n'a de cesse d'insister sur le fait que ce texte ne vise qu'à prévenir et à sanctionner les dérives très nombreuses,- il faut en convenir- du mouvement associatif (et si tel est le souci du ministre, il convient de l'approuver sans réserve), le gouvernement se grandirait à encourager toutes les associations qui se veulent des lieux de débat et des espaces de liberté. Toutes les opinions doivent s'exprimer et être discutées dans notre pays, dans la perspective de la préparation de l'après- pétrole. Il est clair que celui-ci suppose nécessairement un débat et vraisemblablement des prises de position contradictoires qui doivent se donner libre cours. Les experts et les spécialistes savent parfaitement qu'il n'existe pas un mode d'emploi prêt à un usage immédiat, même si l'Algérie, d'une façon générale, devra s'inspirer des expériences étrangères, celle des pays du Golfe mais aussi des pays aussi différents que la Norvège, les Pays-Bas, le Mexique, l'Indonésie, la Malaisie qui se sont engagés dans une politique ambitieuse de diversification de leur économie en mettant en tête de leurs priorités, la recherche-développement et la création de pôles d'excellence dans le domaine de l'éducation et de la formation. L'ensemble de ces pays sont parvenus à transformer le caractère rentier de leur économie et n'appréhendent plus aujourd'hui leur avenir au regard de l'épuisement prévisible de leurs ressources naturelles. On ne peut oublier que c'est le président de la République, lui-même, qui, à l'occasion de la présentation de la loi de finances pour 2007 avait déclaré: «J'invite les élites du pays, les cadres et toutes les personnes de bonne volonté à s'engager dans une réflexion approfondie sur l'après-pétrole afin que nous puissions préparer des alternatives aux hydrocarbures qui soient audacieuses mais crédibles telles qu'elles puissent mobiliser toutes les énergies au service des intérêts supérieurs du pays.» Pour le Dr Zitouni, le monde arabe recèle un potentiel phoenicicole considérable qui le met en situation d'exploiter ses terres semi-arides, grâce notamment aux qualités propres du palmier dattier. Le Dr Zitouni a déjà réussi à convaincre les dirigeants des pays arabes du Golfe, au moment où ceux-ci cherchent à acquérir des terres agricoles à l'étranger, lesquelles ont déjà été utilisées à leur plein potentiel, que les terres semi- arides vierges dont sont dotées les pays arabes, si elles venaient à être exploitées, offriraient des opportunités de croissance considérables. Le Dr Zitouni écrit notamment dans son ouvrage: «En raison de son potentiel et de sa proximité avec le premier marché en valeur de dattes du monde», la France, et du premier producteur et importateur d'éthanol européen, l'Espagne, l'Algérie est particulièrement bien placée pour mettre en valeur son industrie de la transformation phoenicicole, que cela soit pour des besoins agroalimentaires ou des nécessités d'énergie propre et renouvelable. Si l'Algérie saisit cette occasion, elle pourra bénéficier des privilèges réservés aux primo-entrants dans cette nouvelle branche agro-énergétique en formation et profiter d'une avancée technologique sur le reste du monde arabe dans les industries de la transformation des dattes et des biomasses issues du palmier dattier», (ouvrage précité, p.171) Rattraper les retards accumulés Les responsables algériens savent parfaitement que l'Algérie connaît depuis 20 ans un processus de désindustrialisation lourd et que depuis 1999, les responsables du secteur privé comme ceux du secteur public sont en attente d'une stratégie industrielle dont on n'aperçoit encore aucune trace. En revanche, la mise en place d'une filière phoenicicole s'inscrirait complètement dans les réalités sociales et économiques de l'Algérie. La faisabilité de la transformation de le datte en biocarburant (c'est-à-dire en Nakhoil), dans un pays qui possède environ 20 millions de palmiers dattiers, ne manquera pas de transformer la perception que les Etats ont de l'Algérie, pays rentier qui vit quasi exclusivement de la vente du pétrole et du gaz et qui parvient péniblement à exporter pour 600 à 700 millions de dollars par an de produits non pétroliers (ce qui constitue une honte). Enfin, comme le dit avec justesse le Dr Zitouni, notre pays préside la Fondation Déserts du monde. A ce titre, elle devrait être aux avant-postes en ce qui concerne le traitement des zones semi- arides en prévision du danger que représentent pour leur survie les mutations climatiques actuelles. A cet égard, il convient de rendre un hommage appuyé à notre ministre de l'Environnement, Chérif Rahmani, qui a pris à bras-le-corps ce problème mais qui, malheureusement, ne dispose pas de la collaboration loyale des collectivités territoriales. C'est désormais au chef de l'Etat qu'il appartient de fixer la feuille de route pour le gouvernement afin qu'il s'attelle à la préparation de l'après-pétrole, car il y a, à la fois péril en la demeure mais aussi toutes les promesses que porte en lui le modèle de développement phoenicicole présenté avec une autorité scientifique indéniable, le Dr Zitouni. La balle est à présent dans le camp du président de la République.