C'est dans les temps morts, que Karim Ziani ressuscite le rêve de la qualification A la 96e minute, Matmour est fauché dans la surface de réparation. L'arbitre siffle. «Pénalty!» crie Sofiane. Nous sommes à quelques encablures du tunnel des facultés, à la place Audin. Un groupe de supporters invétérés, a le regard rivé sur le petit écran installé à l'occasion du match Algérie-Rwanda. En véritable leader, Karim Ziani prend ses responsabilités. Il se lance et... c'est le troisième but! Et c'est le tout-Alger qui explose de joie. Des youyous fusent des balcons, de longs cortèges sillonnent les artères de la capitale. La rue Didouche se mue en un fleuve aux couleurs nationales. Le fleuve déferle sur la Grande Poste. Les klaxons répandent la joie populaire sur les hauteurs, le centre et la banlieue d'Alger. S'éleva alors une symphonie à la gloire des Verts. Ainsi, Ziani a ressuscité le rêve de tout un peuple dans les temps morts: la qualif au prochain Mondial. En témoigne l'euphorie générale qui s'en est suivie. A Sahat Chouhada, Madjid, un jeune de 27 ans, n'en revient pas. «Nous sommes vraiment revenus de loin.» En effet, les Rwandais avaient réussi à ouvrir la marque à la 10e minute du match. «A ce moment-là, j'ai eu une peur bleue pour les nôtres. J'ai cru que le match allait nous filer entre les mains». Que nenni, les Verts se sont ressaisis et l'on a finalement gagné par 3 à 1. Pour Abdeldjalil, 20 ans: «Nous pouvions gagner par un score plus lourd sans la partialité de l'arbitre. Aussi, les Rwandais n'ont eu de cesse de casser le rythme du match.» La douche écossaise A 3 à 1 Madjid pense que les chances des Fennecs pour la qualification restent intactes. «Pour le prochain match, nous sommes capables de battre les Egyptiens chez eux», affirme-t-il. Un peu plus loin, des jeunes se sont regroupés au pied de la mosquée Kétchaoua. Evidemment, la discussion tourne autour du match. «Sur le plan tactique, les choix n'ont pas été judicieux», fait remarquer l'un d'eux, la tête coiffée d'une casquette à l'effigie des Verts. «Ah oui, c'est pour ça que nous avons eu deux barres, un but refusé (celui de Saïfi après l'égalisation Ghezzal) et, pour couronner le tout, nous nous sommes imposés par 3 à 1?», ironise l'un de ces copains, écharpe en vert, blanc et rouge sur les épaules. «On aurait pu faire mieux!», reprend le premier. A cette réflexion, son ami porte la main à son écharpe, alors que sur le visage de l'autre se dessine un sourire malicieux. La réplique fut sèche: «Ecoute, toi tu comprends le foot à l'envers. Alors, laisse-moi tranquille s'il te plaît.» Et le gars à la casquette éclate de rire C'est dire que le match a donné lieu à des discussions et des scènes les plus folles. Retour sur une épopée qui a duré 90 minutes. Il est 19h00 tapantes. Les ruelles d'Alger se sont subitement vidées. Dans les cafés, les restaurants, les pizzerias, les quicks, quelques magasins et points de vente ouverts, les regards sont rivés sur les écrans. Le match débute sur les chapeaux de roues pour les Verts. A la rue Hassiba-Ben Bouali, les habitués d'un restaurant suivent la rencontre, les nerfs à fleur de peau. Ziani and co vont au charbon dès le coup de sifflet de l'arbitre. Coup sur coup, les Fennecs se procurent quatre occasions de scorer. Une occasion pour les Verts, Rafik Saïfi est embusqué dans la surface de réparation, il reçoit un retrait, frappe de la tête et... la balle passe légèrement à côté du cadre. «Quel gâchis!», s'écrie l'un des clients en laissant tomber sa cuillère. Une autre occasion: cette foi-ci c'est Ghezzal qui frappe sur le petit filet. «Mais qu‘est-ce qu'ils ont?», s'impatiente un autre client, la tête grisonnante. En face de lui, un homme moustachu le rassure: «Ne t'inquiète pas, ils sont bien entrés dans le match.» Coup de théâtre! Les Rwandais ouvrent la marque. Les visages deviennent livides. Après le couvre-feu vient la liesse Le silence s'installe. Sur tout Alger, c'est la douche écossaise. A quelques mètres du restaurant, des jeunes se sont agglutinés devant une pizzeria. En leur compagnie, des policiers en faction suivent le match. L'organisation de la circulation peut attendre. Surtout que sur la chaussée, les véhicules passent au compte-gouttes. Nous effectuons quelques pas en plus. Devant un magasin d'articles de sport, un jeune barbu se tient debout. Il suit la rencontre sur l'écran qui se trouve dans la boutique. «Ils doivent procéder par les côtés et avoir plus de présence dans l'axe de la défense adverse, s'ils veulent égaliser», préconise le barbu. Son ami acquiesce. Laissons les deux jeunes à leurs palabres. Nous sommes à la place Audin. Des jeunes se retrouvent autour d'un vendeur de cigarettes. Ces derniers ont l'oreille suspendue à un transistor. Soudain, un cri fuse du poste radio. «But! C'est l'égalisation!», s'écrie le vendeur de cigarettes. En deux temps, trois mouvements, les jeunes allument un fumigène et se lancent dans une série de chants et de danses frénétiques. Entre- temps, une voiture s'arrête. Une femme au volant s'inquiète du score. «Nous sommes à un but partout», la rassurent les jeunes fleurons. Nous nous rendons à la Grande Poste. C'est là où Karim tient un kiosque. La première mi-temps tire à sa fin. Karim est sur les charbons ardents. Tant bien que mal, il articule: «Nous espérons un résultat qui nous permettra d'aller en Egypte dans les meilleures conditions possibles.» Des cris fusent. Karim croit au deuxième but. Pour s'en assurer, il prend son portable et appelle un proche. Ce dernier lui annonce que le score est toujours de parité. Karim en est dépité. La mi-temps tire à sa fin. Nous sommes dans le temps additionnel. Les Verts mènent une dernière offensive avant la pause. Cette fois-ci, c'est la bonne! Belhadj a réussi à inscrire le deuxième but. La mi-temps est sifflée. Encore 45 minutes à tenir. Finalement, l'Algérie l'emporte par 3 à 1. Dans les rues d'Alger, partout la liesse s'est répandue jusqu'à l'aube.