«Nous voulons remettre un sourire sur les visages des Irakiens», affirme pour sa part le célèbre comédien Majid Yassine. Six ans après le début de l'invasion américaine, pour la première fois depuis 2003, les représentations nocturnes sont de retour au Théâtre national de Baghdad. Le rideau se lève et la troupe, six hommes et trois femmes, entonne une chanson d'amour. La comédie «Pour apprécier la douceur, il faut goûter l'amertume» est écrite, produite et mise en scène par des artistes irakiens, et son titre résonne manifestement auprès du millier de spectateurs présents, qui espèrent tous des jours meilleurs. Nombre d'entre eux se lèvent et dansent au son de cette chanson d'amour qui célèbre l'Irak. «Les gens avaient peur de sortir le soir, et je suis heureux que ça change», explique un jeune Baghdadi. «Baghdad est une grande ville et nous avons besoin d'activités culturelles», a-t-il ajouté. La pièce est née de l'imagination d'Essam Al-Abassi, qui vend des téléphones portables pour gagner sa vie. Les personnages principaux sont deux hommes dont l'amitié va être mise à l'épreuve quand l'un s'éprend de la soeur de l'autre, qui désapprouve cette histoire d'amour. L'auteur a introduit un élément de science-fiction avec un voyage en soucoupe volante vers Neptune, où les deux amis devront régler leur différend. «Ils se pardonnent et leur désir de revenir chez eux est tel que leur amitié en sort renforcée», explique M.Abassi. Il admet avoir été inspiré par les violences communautaires qui ont culminé en 2006-2007, mais ne les mentionne pas directement dans la pièce. «Je tente de transmettre le message qu'en fin de compte, il n'y a pas de différences», ajoute-t-il. «Nous voulons remettre un sourire sur les visages des Irakiens», affirme pour sa part Majid Yassine, qui joue le rôle du frère. Pour cet acteur célèbre, qui a fui le pays en 2004 à cause des violences pour n'y revenir que récemment, «le coeur des Irakiens est rempli de douleur, je suis heureux de voir les gens rire, parce que c'est plus difficile que de les faire pleurer». La possibilité de donner des représentations nocturnes est un signe de progrès, estime pour sa part le metteur en scène, Ghanim Hamid. «Les choses vont beaucoup mieux», explique-t-il. Les gens peuvent maintenant prendre du bon temps le soir. Notre problème, c'est le «manque d'argent pour produire des pièces dont nous pouvons être fiers». Après la baisse des violences dans le pays, les restaurants ont repris leur activité depuis la mi-2008. Les cinémas ont également rouvert mais, de peur des attentats, les gens préfèrent rester chez eux regarder des DVD achetés moins d'un dollar. La vie à Baghdad semble avoir repris son cours, mais les maux ne sont toujours pas guéris. Prudence, est le symbole de leur inquiétude face à l'avenir.