Scène n Pour la première fois depuis 2003, les représentations nocturnes sont de retour au Théâtre national de Bagdad. La comédie Pour apprécier la douceur, il faut goûter l'amertume est écrite, produite et mise en scène par des artistes irakiens, et son titre résonne manifestement auprès du millier de spectateurs présents ce soir-là, qui espèrent tous des jours meilleurs, six ans après l'invasion américaine. Nombre d'entre eux se lèvent et dansent au son de cette chanson d'amour, qui célèbre l'Irak. «Avant la guerre, nous allions au théâtre et au cinéma», explique Elaf Mohammed, une ingénieure de 29 ans accompagnée de son mari Oussama et de sa fille de trois ans, Mina. «C'est bien, parce que nous avons enfin la chance de passer du bon temps en famille», ajoute-t-elle après avoir payé deux billets à 10 000 dinars (8,7 dollars). Oussama porte les stigmates des violences qui ensanglantent l'Irak depuis 2003. Les balafres sur son visage ont été provoquées par les débris d'un spectaculaire attentat contre le ministère des Affaires étrangères à la mi-août, qui a fait plusieurs dizaines de morts. Mais pour le couple, «la vie doit continuer», résume Elaf, alors que d'importantes mesures de sécurité entourent le théâtre situé dans le quartier central de Karrada, «Les gens avaient peur de sortir le soir, et je suis heureux que ça change, explique son mari. Bagdad est une grande ville et nous avons besoin d'activités culturelles.» La pièce a fait ses débuts pendant l'Aïd el-fitr qui a clos le mois sacré du ramadan. Elle est née de l'imagination d'Essam Al-Abassi, qui vend des téléphones portables pour gagner sa vie. Les personnages principaux sont deux hommes dont l'amitié va être mise à l'épreuve quand l'un s'éprend de la sœur de l'autre, qui désapprouve cette histoire d'amour. L'auteur a introduit un élément de science-fiction avec un voyage en soucoupe volante vers Neptune, où les deux amis devront régler leur différend. «Ils se pardonnent et leur désir de revenir chez eux est tel que leur amitié en sort renforcée», explique M. Abassi. Il admet avoir été inspiré par les violences communautaires qui ont culminé en 2006-2007, mais ne les mentionne pas directement dans la pièce. «Je tente de transmettre le message qu'en fin de compte, il n'y a pas de différences», ajoute-t-il. «Nous voulons remettre un sourire sur les visages des Irakiens», affirme, pour sa part, Majid Yassine, qui joue le rôle du frère. La possibilité de donner des représentations nocturnes est un signe de progrès, estime le metteur en scène, Ghanim Hamid. Mais la pièce, assure Essam Al-Abassi, sera jouée jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de spectateurs.