Des ministres seront auditionnés à partir de demain par la commission pour s'expliquer sur des centaines de milliards de dinars injectés dans les «boîtes noires». Le Parlement compte lever le voile sur la gestion du gouvernement. La commission parlementaire des finances et des budgets va passer au scanner les fonds spéciaux. Des membres du gouvernement seront appelés à rendre des comptes devant cette commission, présidée par M.Kenai. «Nous avons convoqué les ministres pour s'expliquer sur la gestion de leur portefeuille et les enveloppes budgétaires allouées dans le cadre des fonds spéciaux», a confié une source proche du dossier à L'Expression. Ce n'est guère une rumeur et encore moins une farce. L'affaire est sérieuse. Les membres de la commission veulent rompre avec les anciennes pratiques. Les factures du gouvernement seront passées au peigne fin. Preuve en est, les auditions seront lancées à partir de demain. Quatre ministres seront convoqués à la barre, indique notre source. Parmi les ministres concernés, on annonce le ministre de la Santé, de la population et de la Réforme hospitalière, Saïd Barkat et le ministre du Commerce, El-Hachemi Djaâboub. Déterminés à exercer leur fonction, à savoir le contrôle des dépenses du gouvernement, les membres de ladite commission ont interpellé le ministre des Finances, Karim Djoudi, sur l'argent des fonds spéciaux lors de son passage récemment à l'APN pour l'examen de l'avant-projet de loi de finances 2010. «Nous avons exigé que l'on nous remette le rapport portant sur la situation de l'ensemble des comptes d'affectation spéciale du Trésor», affirme ce parlementaire. Ce rapport présente en détail les crédits, débits et le solde de chaque compte depuis le 1er janvier 2008 jusqu'à juin 2009 avec des montants bien définis. Dans ce rapport, certains fonds, régulièrement alimentés, ont été exploités alors que d'autres n'ont même pas fonctionné. C'est le cas d'ailleurs du Fonds de soutien à la presse, alimenté à hauteur de 39 milliards DA, mais resté gelé. Aucun centime n'a été dépensé. Pourtant, la presse souffre de manque de moyens techniques pour évoluer et se développer. Sur les 55 fonds spéciaux, seul le Fonds spécial d'achèvement de la 3e phase de reconstruction des régions touchées par le séisme de 1980 a été clôturé par la loi de finances 2009. Le reste continue à épuiser les ressources de l'Etat sans pour autant donner des résultats probants. On citera à titre d'exemple le Fonds national pour la maîtrise de l'énergie et celui de la promotion de la compétitivité industrielle ouverts depuis 2000 qui continuent à absorber de gros montants. Armés de bonne volonté et voulant sauver leur peau, les membres de la commission parlementaire veulent gagner la confiance de leurs citoyens en s'attaquant à un dossier sensible qui risque de secouer des responsables. «Nous irons jusqu'au bout. Il faut mettre un terme à l'opacité. Nous voulons comprendre où vont l'argent du peuple et les budgets débloqués annuellement par l'Etat», s'indigne un membre de la commission. Des budgets estimés à des centaines de milliards de dinars ont été injectés dans les fonds spéciaux. Partant de ce constat, ce député estime qu'il est inconcevable que l'Etat débloque des sommes faramineuses sans pour autant qu'il y ait une amélioration des conditions de vie des citoyens et de la couverture sanitaire. «L'absence de suivi dans la gestion des ressources de l'Etat et le retard dans la réalisation des programmes sont à l'origine des mouvements de protestation citoyenne et le recours à la rue comme moyen d'exprimer ce ras-le-bol», reconnaît-il. La tâche est loin d'être une sinécure pour les membres de la commission. Rien que pour les questions orales, les ministre traînent le pas pour répondre à l'invitation des députés. Certains ministres prennent deux à trois mois pour fournir la moindre explication. C'est la raison pour laquelle les députés renoncent à interpeller le gouvernement par le biais des questions orales. Ce qui est sûr est que l'enquête sur les fonds spéciaux sera un véritable casse-tête pour l'équipe de M.Kenai. Surtout que les ministres ne sont pas habitués à ce genre d'exercice. La présentation du bilan du gouvernement devant le Parlement est une pratique qui a été boycottée depuis longtemps. Les députés ont appelé, à plusieurs reprises, l'Exécutif à établir un compte rendu sur ses dépenses. En vain. Le gouvernement tourne le dos à l'appel des députés et refuse de dévoiler ses comptes devant le Parlement. Irrités par ce comportement et les critiques des citoyens qui leur reprochent leur laxisme, les députés ont décidé de hausser le ton avec les responsables de l'Exécutif. «Nous en avons marre de cette situation. Nous voulons comprendre où et comment est déboursé l'argent de l'Etat», a souligné notre interlocuteur. Si l'équipe de Kenai arrive à mettre en lumière les dépenses des fonds spéciaux de l'Etat, elle marquera l'histoire de la 6e législature. Attendons pour voir...