Ce que je retiens du défunt Boumaza pendant les années où je l'ai côtoyé, c'est qu'il était un bosseur infatigable, un gourou du travail. Déjà quand il était ministre de la Communication en 1965, il commençait à 8 heures du matin pour ne s'arrêter qu'à minuit. D'une exigence professionnelle irréprochable, le défunt était d'abord strict avec lui-même et ensuite avec ses collaborateurs. Bachir Boumaza n'a pas fait les grandes écoles ni les grandes universités mais il était un autodidacte parfait. Curieux des choses de la vie, de tout ce qui se passe autour de lui et attaché au modernisme, il a su se forger une immense culture politique doublée d'une culture littéraire. Il était d'ailleurs connu pour être un féru des ouvrages de Victor Hugo. Rares sont ceux qui savent qu'il a édité un livre intitulé La Gangrène qu'il a coédité avec d'autres détenus alors qu'il était emprisonné à Fresnes de 1958 à 1961. Le livre dénonçait la torture que pratiquait la police française sur les détenus algériens. A l'Indépendance, Bachir Boumaza avait occupé plusieurs postes de responsabilité dont celui de ministre de l'Economie et c'est à cette époque qu'a été, je crois, créée la Sonatrach. Il a été également le président du premier congrès du FLN de l'Algérie indépendante. Le congrès s'est déroulé en 1963 au cinéma l'Afrique (ex-L'Empire). Il a quitté le gouvernement car, disait-il, il refusait le pouvoir personnel exercé par Ahmed Ben Bella, alors président de la République. C'est avec cette idée qu'il a affirmé avoir soutenu le renversement de ce dernier par Houari Boumediene en 1965. Ayant constaté que la question du pouvoir personnel n'a pas évolué, il a quitté le gouvernement, pour s'opposer à Boumediene avant d'aller s'installer en Suisse en 1966 où il a créé une petite maison d'édition à Genève. Elle diffusait des livres traduits en arabe. Il rentre au pays en 1989. En 1997, il est désigné à la tête du Sénat par l'ex-président Liamine Zeroual. Le défunt Boumaza pensait que c'était important qu'il y ait un bicaméralisme dans notre pays. Il partait du principe que l'APN est une institution qui se base sur la démographie, alors que le Sénat représente le territoire. Pour lui, la deuxième chambre du Parlement permettait de faire un contrepoids puisqu'elle avait le pouvoir de faire réviser une loi. L'homme était d'une honnêteté intellectuelle et d'une probité irréprochables.