Le passeport est obtenu en deux heures, cependant seuls 159 billets de stade sont disponibles pour toute la wilaya. Entre 8000 et 15.000 étudiants ont investi hier les rues de Béjaïa pour crier haut et fort leur indignation devant les actes de «barbarie» commis à l'encontre des joueurs de l'Equipe nationale et des supporters algériens. Ils ont organisé une marche pacifique et grandiose qui rappelle à bien des égards celles vécues lors des événements du Printemps noir 2001. Le sort réservé aux Fennecs et leurs supporters par les Egyptiens lors de la confrontation comptant pour la dernière journée des éliminatoires à la phase finale de la Coupe du monde 2010, jouée samedi dernier au Caire, a soulevé colère et indignation au sein de la communauté estudiantine mais aussi chez les habitants qui se sont joints spontanément à la manifestation. Prévue initialement à l'intérieur des campus d'Aboudaou et de Targa Ouzemour, la marche de protestation a vite débordé dans la rue. Une marée humaine s'est ébranlée du campus d'Aboudaou tandis qu'une autre démarrait de Targa Ouzemour. Tout ce beau monde s'est ensuite retrouvé, après avoir arpenté des dizaines de kilomètres, au siège de la wilaya de Béjaïa. Les manifestants tenaient à dénoncer le comportement haineux des Egyptiens contre les joueurs et les supporters algériens. Un arrêt de cours a été observé par les étudiants de cette institution. Cette initiative de la coordination estudiantine se veut également un soutien indéfectible aux Verts qui s'apprêtent à affronter demain les Pharaons dans une troisième rencontre au Soudan. La tristesse s'est mêlée hier à une colère indicible lors de cette manifestation. Etudiantes et étudiants étaient unanimes à dénoncer l'enfer égyptien, s'élevant contre la sauvagerie dont ont fait preuve nos «frères» d'Egypte. Le courage et la bravoure des Fennecs ont été salués par les manifestants dont certains avaient du mal à retenir les larmes. Drapés dans l'emblème national, visages peints aux couleurs nationales, les étudiants ont exprimé haut et fort leur indignation devant la sauvagerie égyptienne. L'espoir était bien évidemment présent quant à une revanche certaine, mais footballistique, insiste-t-on. «Nous allons leur montrer que nous sommes les plus forts mais aussi les plus civilisés», déclarait une étudiante. Comme elle, ils étaient hier nombreux à faire montre d'une confiance extraordinaire quant à l'issue de la confrontation de demain. «Nous obtiendrons le billet pour le Mondial d'Afrique du Sud demain», déclare Rafik. «Maâk yal Khadra, viva l'Algérie!», étaient les slogans du jour. A la tête de la marche, Malek, un des organisateurs de la manifestation, s'en est pris sans retenue aux Egyptiens qu'il qualifie de tous les noms. Au deuxième carré, deux cercueils vides couverts de l'emblème national étaient portés par des étudiants. Il faut dire que les informations colportées quant aux décès de supporters, avaient ajouté de l'huile sur le feu. Salim est persuadé qu'on cachait quelque chose. «Ce geste est dédié à la mémoire de nos héros tombés en Egypte», indiquait-il. Des jeunes filles en robes traditionnelles poussaient des youyous, d'autres pleuraient, ne pouvant plus cacher leur peine. Des jeunes proféraient des menaces et demandaient aux autorités algériennes de réagir. Très rapidement, les deux groupes de marcheurs se rejoignaient à hauteur du carrefour Nacéria et la foule devenait gigantesque. Devant le siège de la wilaya, les organisateurs se sont succédé pour louer le mérite des Verts et dénoncer les dépassements des Egyptiens. La foule s'est ensuite dispersée dans la calme rejoignant les deux campus de l'université de Béjaïa. Le même enthousiasme et la même déception animaient hier toute la rue de Béjaïa. Les couleurs nationales sont visibles aussi bien sur les véhicules que sur les façades des immeubles et autres bâtisses. L'emblème national est hissé en soutien aux Verts. C'est dire tout l'espoir qui a vite succédé à la déception de samedi soir. Certains ont même soutenu que la défaite au stade du Caire était salutaire, allusion aux risques qu'encouraient alors aussi bien les joueurs que les milliers de supporters si la qualification était acquise. «Malgré leur victoire, les Egyptiens se sont montrés haineux et sauvages. Qu'est-ce que cela aurait pu être si nous avions gagné?», faisait remarquer un serveur dans un café de la capitale de la Soummam. Pour le match d'appui de demain, l'espoir est de nouveau permis pour une qualification historique. La fièvre monte de nouveau à Béjaïa. Une wilaya où des milliers de jeunes seront de la partie pour le départ à Khartoum. Une manière de marquer son attachement aux couleurs nationales. Devant l'agence d'Air Algérie, située à la rue de la Liberté et devant le siège de la daïra, des chaînes interminables de jeunes et moins jeunes ont été constatées. Tous réclamaient des passeports et des billets d'avion. On ne jure que par une présence à Khartoum pour soutenir les Fennecs. C'est une question de «nif», souligne Rachid. Muni de son passeport, il nous déclarait: «J'avais pris la décision de partir dès le coup de sifflet de l'arbitre sud-africain.» Les 159 places affectées à la wilaya de Béjaïa sont incontestablement insuffisantes pour ce nombre très élevé de demandeurs. Même les services de la daïra se sont mis de la partie pour faciliter l'obtention de passeports. C'est une question de deux heures pour ceux qui ont déjà déposé le dossier et de 24 heures pour les autres. Bref, tout est mis en place pour faciliter l'opération même si des mécontentements ont été notés. «Je suis venu d'Akbou et je suis là depuis 2 heures du matin. Je n'ai rien obtenu pour l'instant», regrettait ce citoyen visiblement animé d'une volonté ferme de se rendre au Soudan, quel que soit le prix.