L'ancien guérillero a assuré qu'il poursuivrait la politique réformiste du gouvernement sortant et lancé un appel à l'unité. L'ex-guérillero José Mujica, blessé par balles puis emprisonné 14 ans avant et pendant la dictature (1973-85), a remporté le second tour de la présidentielle dimanche en Uruguay avec 51% à 52% des voix, selon les projections des instituts de sondages. Son adversaire, l'ancien chef de l'Etat Luis Lacalle qui a recueilli 44% à 45% des suffrages exprimés, selon les instituts, a rapidement reconnu sa défaite après avoir eu au téléphone le président sortant Tabaré Vazquez. Avec cet appel, M.Vazquez, premier chef de l'Etat de gauche de l'histoire de ce petit pays sud-américain, «a renforcé son rôle de président de tous les Uruguayens qu'il est, comme le sera le sénateur José Mujica, à partir du 1er mars», a déclaré M.Lacalle, candidat du Parti national (centre-droit). «Pepe» Mujica, cofondateur de la guérilla des Tupamaros dans les années 60 aujourd'hui âgé de 74 ans, est le deuxième ancien révolutionnaire armé d'Amérique latine à conquérir le pouvoir par les urnes, après le sandiniste Daniel Ortega au Nicaragua. L'ancien guérillero a néanmoins assuré qu'il poursuivrait la politique réformiste du gouvernement sortant et lancé un appel à l'unité lors de son premier discours prononcé sur la rambla de Montevideo, le boulevard longeant le Rio de la Plata, qui sépare l'Uruguay de l'Argentine. «Nous devons aussi nous souvenir qu'il y a des compatriotes tristes et qui sont nos frères de sang, et pour cela, il n'y a ni vainqueurs ni vaincus!», a-t-il lancé sous une pluie battante devant des milliers de partisans agitant des drapeaux blanc-bleu-rouge, aux couleurs de sa coalition de gauche. «La pluie, ce sont les larmes des "blancos" (partisans de Lacalle) qui n'arrêtent pas de pleurer», ont chanté en choeur les militants de gauche, entre deux jets de confettis et des explosions de feu d'artifice. «C'est le candidat idéal pour nous, la classe ouvrière (...) J'espère qu'il sera plus radical que Tabaré (Vazquez), même s'il a fait ce qu'il a pu. C'était comme une transition», a déclaré Leonel, un ouvrier de 36 ans. Malgré la pluie et les rafales de vent, les partisans de l'ancien guérillero ont continué à défiler sur l'avenue 18 de Julio, la grande artère du centre de la capitale uruguayenne, empêchant les voitures d'avancer. Mujica, septuagénaire rond et moustachu, au verbe fleuri et au style vestimentaire informel, aura les coudées franches pour gouverner, puisque la gauche a conservé une courte majorité aux deux chambres fin octobre. «Notre projet politique s'inscrit dans la continuité des grandes lignes fixées par ce gouvernement», a-t-il cependant prévenu samedi. Le bilan économique de M.Vazquez, qui n'était pas autorisé à se représenter par la Constitution malgré une popularité record (71%), a constitué son meilleur atout tout au long de la campagne. L'Uruguay a échappé à la récession, le chômage est en baisse (7,7% en août) et l'indice de pauvreté a chuté de 26% en 2007 à 20,5% en 2008. A l'international, Mujica ne cache pas sa sympathie pour le président vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche radicale en Amérique latine, mais il affirme que son modèle est le chef de l'Etat brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, partisan d'une gauche plus modérée. «Ce gouvernement va toujours chercher à négocier (...) C'est pour cela que j'ai pris comme symbole Lula, un négociateur gigantesque», a déclaré le vainqueur de la présidentielle à la chaîne Canal 10.