«En Algérie, la corruption bénéficie de la connivence d'agents de l'Etat pour prendre racine dans des secteurs publics stratégiques», affirme le directeur des affaires pénales au ministère de la Justice. La corruption gangrène la société. Les chiffres diffusés par les canaux officiels font ressortir que ce phénomène résiste fort bien à l'arsenal juridique mis en oeuvre par les autorités. Jeudi, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M.Tayeb Belaïz, a indiqué que 5086 personnes ont été définitivement condamnées dans des affaires de corruption dans la période allant de 2006 au premier semestre 2009. Répondant à une question d'un membre du Conseil de la nation lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales, le ministre a souligné que depuis la mise en place de la loi relative à la lutte contre la corruption en 2006, 2691 affaires impliquant 5086 personnes ont été jugées. Il a ajouté dans ce sens que 1054 affaires de corruption ont été enrôlées en 2007 dont 861 ont été définitivement jugées entraînant la condamnation de 1789 personnes contre 807 affaires de corruption en 2008 et 479 affaires en 2009. D'autres affaires de corruption sont encore en instance au niveau des tribunaux alors que d'autres le sont au niveau de la police judiciaire. A une autre question sur les dispositions prises par le gouvernement pour lutter contre la corruption, M.Belaïz a précisé que les investigations et l'action judiciaire dans des affaires de corruption exigent «d'agir dans le silence et de faire preuve d'impartialité et de retenue». Il a insisté, dans ce sens, sur la nécessité de préserver la dignité et la réputation du prévenu dans ce genre d'affaires et de respecter la présomption d'innocence. D'autre part, M.Belaïz a souligné que les institutions de l'Etat oeuvraient au mieux en matière de lutte contre la corruption affirmant que la discrétion qui entoure les affaires de corruption visait à éviter «tout tapage pour permettre à la justice de suivre son cours dans le cadre de la loi». Des propos formellement partagés par le ministre des Travaux publics qui était présent à la séance. Apparemment très gêné par les information rapportées le même jour par un quotidien national faisant état de l'inculpation de son chef de cabinet dans le scandale de l'autoroute Est-Ouest, Ghoul a refusé de s'exprimer devant la presse. Il se contentera de donner trois précisions. D'une part, il a appelé la presse à laisser la justice faire son travail. D'autre part, il rappellera le principe de la présomption d'innocence de chaque personne non encore jugée. Enfin, il soulignera «qu'aucune personne n'est et ne sera au-dessus de la loi». Jeudi, Belaïz s'est longuement attardé sur la question. Après avoir rappelé que la corruption touchait également «les sociétés modernes les plus démocratiques», le ministre est revenu sur les mesures prises par l'Algérie dans ce domaine notamment, la promulgation d'une législation y afférente. Il a, par ailleurs, souligné que le Code de procédures pénales est amendé. Il a, en outre, souligné «la ferme et rigoureuse volonté politique» du président de la République de lutter contre la corruption. En effet, l'opinion publique a été bouleversée par la série de scandales financiers dans lesquels ont été impliqués des cadres et de hauts fonctionnaires de l'Etat. L'affaire la plus récente traitée par la justice algérienne remonte au mois d'octobre. Le tribunal d'El Affroun avait rendu son verdict dans ce qui est communément appelé «affaire Oaic-SIM». Plusieurs chefs d'inculpation ont été retenus contre le directeur général de l'Office algérien interprofessionnel des céréales, notamment la passation de contrats injustifiés selon le Code des marchés publics. La justice a prononcé une peine de deux ans de prison ferme contre lui. Les scandales se suivent et se ressemblent. Et au coeur de plusieurs dossiers, des responsables qui se croyaient peut-être «intouchables» ou au-dessus des lois de la République. Le projet du siècle «l'autoroute Est-Ouest» a reçu aussi un sérieux coup. En Algérie, la corruption bénéficie de la connivence d'agents de l'Etat pour prendre racine dans des secteurs publics stratégiques, notamment les banques et les marchés publics. Ce n'est pas un parti d'opposition ou un expert économique qui fait ce constat. Ces propos sont tenus par M.Mokhtar Lakhdari, le directeur des affaires pénales au ministère de la Justice.