Au coeur de chaque affaire, des responsables qui se croyaient peut-être intouchables. La corruption bénéficie de la connivence d'agents de l'Etat pour prendre racine dans des secteurs publics stratégiques, notamment les banques et les marchés publics. Ce n'est pas un parti d'opposition ou un expert économique qui fait ce constat. Ces propos sont tenus par M.Mokhtar Lakhdari, le directeur des Affaires pénales au ministère de la Justice. «Ce phénomène touchait à la transparence de la vie économique et à l'intégrité des agents publics», précise-t-il. Uniquement pour l'année 2008, 807 infractions liées à la corruption ont été enregistrées. En effet, l'opinion publique a été bouleversée par la série de scandales financiers dans lesquels ont été impliqués des cadres de l'Etat et de hauts fonctionnaires. L'affaire la plus récente traitée par la justice algérienne remonte à lundi dernier. Le tribunal d'El Affroun a rendu son verdict après trois semaines de plaidoiries dans ce qui est communément appelé «affaire OAIC-SIM». Plusieurs chefs d'inculpation ont été retenus contre le directeur général de l'Office algérien interprofessionnel des céréales, notamment la passation de contrats injustifiés dans les marchés publics. La justice a prononcé une peine de deux ans de prison ferme contre lui. Les scandales se suivent et se ressemblent. Et au coeur de chaque affaire, des responsables qui se croyaient peut-être «intouchables» ou au-dessus des lois de la République. Le projet du siècle «l'autoroute Est-Ouest» a reçu un sérieux coup. L'affaire dans laquelle était impliqué le secrétaire général du ministère des Travaux publics, révélée par la presse, confirme que généralement ce sont les secteurs «les plus riches» et les plus gâtés par les caisses de l'Etat qui sont les plus exposés à ce phénomène. Soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin dans des contrats liés au projet de l'autoroute Est-Ouest, le SG du ministère des Travaux publics, est mis sous mandat de dépôt. L'enquête suit son cours. C'est dans la même situation que se retrouve son collègue du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques. Le secrétaire général de ce ministère est également impliqué dans l'affaire des thoniers turcs, pêchant en infraction dans les eaux territoriales de l'Algérie. On fera l'impasse sur les milliers de milliards de dinars détournés dans des scandales bancaires: l'affaire Achour Abderrahmane résume parfaitement le mal qui ronge les institutions financières de l'Etat. Un Etat qui a déclaré pourtant une guerre sans merci contre la corruption. M.Lakhdari explique le phénomène de la corruption et les différents types de criminalité économique «à la transition économique qui fait que ce type de criminalité tend à prendre de l'ampleur par le nombre, sans cesse croissant, des contrevenants». Le directeur des affaires pénales au ministère de la Justice donne des chiffres. Il avance celui de 98.481 infractions relatives à la loi sur la concurrence, enregistrées en 2008. Celles relatives à la loi sur la protection du consommateur avoisinent les 51.000 infractions. Enfin 1 269 infractions relatives à la loi sur le change ont été relevées. Abordant le cas de criminalité organisée, M.Lakhdari a souligné que cette dernière comprenait une criminalité impliquant des groupes organisés qui se répartissent les rôles et se déploient au niveau transnational (trafiquants de stupéfiants, contrebande de diverses marchandises, trafic de migrants). Il a relevé que la criminalité organisée évoluait, notamment dans les zones frontalières et, en particulier, dans les régions de Tlemcen, Béchar, Tamanrasset et Tébessa, avant d'insister sur l'importance de la conjugaison des efforts aux plans régional et international, pour son éradication. Il a affirmé d'autre part que les instruments juridiques adoptés pour faire face à l'évolution de la criminalité ont permis de «renforcer la capacité de dissuasion de la justice et ont eu pour effet de réduire, de 2006 à 2008, le taux de la criminalité de 5,53%». Dans un autre chapitre, M.Lakhdari a affirmé que le terrorisme a connu une baisse considérable de 30% entre 2006 et 2008. Cette baisse est due «à l'application de la politique de la Réconciliation nationale».