Medjahed Hamid s'est produit en avant-première des deux spectacles animés à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, mercredi et jeudi derniers. C'est un artiste égal à lui-même n'ayant rien perdu de sa verve qui s'est présenté devant son public. Sa guitare entre les mains, Medjahed Hamid s'est d'abord adressé à son public avec un kabyle cassé et un français châtié. En effet, Medjahed Hamid fait partie d'une génération d'artistes ayant bénéficié de l'instruction. Mais le mérite de Medjahed Hamid est plus grand. Au moment où l'Algérie était en pleine arabisation forcenée, cet artiste talentueux a choisi de parcourir le chemin inverse, c'est-à-dire revenir à ses origines. Alors qu'il n'avait aucune maîtrise de la langue kabyle, il décida, en s'investissant dans la chanson, d'apprendre la langue de ses ancêtres. Un véritable défi, car non seulement cette langue n'était pas en odeur de sainteté chez les décideurs de l'époque, mais aussi parce que Madjahed Hamid vivait à Alger et non pas en Kabylie où la mission aurait été plus commode. Medjahed Hamid réussit le pari. Et c'est en Kabyle qu'il chanta ses premiers airs au moment où d'autres artistes ayant tété cette langue se sont convertis à l'arabe pour plaire aux gouvernants et pour en tirer des dividendes. L'histoire de la chanson kabyle retiendra donc cet exploit. Le public, en tout cas, en a témoigné lors des spectacles de Tizi Ouzou. Il avait suivi avec respect le récital de Medjahed Hamid. Ce dernier a été acclamé comme un maître. Pour vaincre sa timidité sur scène, il a été obligé d'en parler, de la partager, en quelque sorte avec ses fans. Mais Medjahed Hamid est plus qu'un chanteur, c'est un musicien. Il a fait parler sa guitare, dirait-on en kabyle. Sa façon de manier son instrument a été magistrale. Avec Medjahed Hamid, on n'est pas vraiment loin de la musique classique. Une proximité qui n'enlève rien à l'authenticité des airs joués par le maestro, accompagné d'autres musiciens talentueux. A l'instar de Nouara, Medjahed Hamid a aussi exhorté la nostalgie puisque, inévitablement, toutes ses chansons rappellent la Kabylie d'antan, celle de la fontaine et des femmes timides, la Kabylie de la pudeur inénarable, des valeurs inépuisables et de la modestie légendaire. Pendant plus d'une heure et à deux reprises, le public a eu droit à un récital où la musique était d'un bon niveau. Medjahed Hamid a, lui aussi, rendu hommage à Matoub Lounès. Il a interprété une chanson qu'il a composée et qui devait être chantée par Matoub. Il s'agit d'une attrayante chanson d'amour où les deux parties s'échangent les regrets de ne pas être restés ensemble. Medjahed Hamid a opté pour des chansons plutôt douces. Sauf la dernière D kem. Il a dit, au sujet de cette dernière, qu'il l'avait composé presque à contrecoeur quand il était jeune. C'était pour répondre à la demande du public qui voulait un peu de gaîté dans ses mélodies. «J'ai composé cette chanson rythmée juste pour faire plaisir à la jeunesse de l'époque. Finalement, elle a obtenu un grand succès qui m'a surpris moi-même», a affirmé Medjahed Hamid qui n'a pas cessé de gérer son trac malgré son ancienneté. En toute modestie, Medjahed Hamid demandait l'avis de son public à la suite de ses prestations. Le public lui a donné une très bonne note et en direct. Le chanteur était aux anges. Comme toujours.