Au terme de cette visite de près de vingt-quatre heures, la première depuis l'assassinat de son père, M.Hariri a souhaité dimanche des relations «privilégiées et sincères» avec le grand voisin. La visite du Premier ministre libanais Saâd Hariri en Syrie consacre une normalisation des relations entre les deux pays et ouvre un nouveau chapitre après des années de tensions et d'hégémonie de l'ancienne puissance de tutelle sur son petit voisin, selon des analystes. «Cette visite est historique dans le sens où la confrontation qui dure depuis le 14 février 2005 est terminée», affirme Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, en référence à la date de l'assassinat du père de M.Hariri, l'ex-Premier ministre Rafic Hariri. «C'est l'heure de la réconciliation avec Saâd Hariri, qui visite le pays qu'il a accusé d'avoir tué son père», ajoute l'expert. «C'est lui-même qui a annoncé la fin de la confrontation.» Au terme de cette visite de près de vingt-quatre heures, la première depuis l'assassinat de son père, M.Hariri a souhaité dimanche des relations «privilégiées et sincères» avec le grand voisin qui a exercé une hégémonie politique et militaire de près de 30 ans sur le pays du Cèdre. «En tant que Premier ministre du Liban, Saâd Hariri ne pouvait que visiter la Syrie. C'était inévitable, car il n'est plus le chef d'un bloc politique opposé à Damas», indique de son côté Karim Makdessi, professeur de sciences politiques à l'université américaine de Beyrouth. La coalition antisyrienne formée après le meurtre de Rafic Hariri avait remporté les législatives de 2005 sous le slogan du refus de toute ingérence syrienne au Liban, avec des discours souvent teintés d'animosité envers le pouvoir à Damas, qu'elle accuse de l'assassinat de l'ancien dirigeant et des autres meurtres politiques qui ont suivi. Elle avait également remporté les législatives de 2009 face au bloc mené par le Hezbollah et soutenu par Damas et son allié Téhéran. «Mais ces fondements sur lesquels s'est construite cette coalition, commencent à s'effondrer», estime Ghassan al Azzi, professeur de sciences politiques à l'université libanaise. «Il n'y a qu'à voir l'image de Saâd Hariri et de Bachar al-Assad qui a fait la une des journaux: les tabous sont tombés», explique-t-il. Hier, la presse libanaise était divisée au sujet de la visite. «La majorité des Libanais n'ont toujours pas confiance dans les relations avec la Syrie», commentait le quotidien An Nahar, proche de la majorité. «Les «22 heures et 42 minutes (...) passées par Saâd Hariri sur le territoire syrien, ont été suffisantes pour inaugurer une nouvelle voie», estimait en revanche Al Akhbar, quotidien proche du bloc mené par le Hezbollah. Toutefois, ce retour à la normalité ne signifie pas une nouvelle mainmise syrienne sur les affaires libanaises, comme le craignent certains milieux politiques critiques de Damas. «C'est bien sûr une victoire stratégique pour la Syrie après toutes les accusations formulées contre elle par la majorité. Dorénavant, les membres de cette même majorité pourront être en contact direct avec les Syriens», indique M.Azzi. Mais la donne reste différente de celle des années de domination. «Les troupes syriennes (retirées en avril 2005) ne sont plus là, et il y des ambassades croisées, ce qui n'était pas le cas avant», dit M.Salem. Mais surtout, «la Syrie a des visées qui vont au-delà du Liban. Elle veut améliorer ses relations politiques et économiques avec la communauté internationale», explique M.Salem. «Les Occidentaux tiennent la Syrie à l'oeil», selon M.Azzi. «Ces pays, et notamment la France, encouragent Damas à améliorer ses relations avec le Liban et s'ouvrent de plus en plus envers ce pays, mais ne lui donnent pas un feu vert pour qu'elle restaure sa tutelle», souligne-t-il.