La Coquette se clochardise. On achète et on revend sans se poser de question. Des milliards sont brassés et échappent à tout contrôle de l'Etat. Des tonnes de marchandises envahissent les espaces du centre-ville à Annaba. De fréquentes rixes entre vendeurs où gourdins, barres de fer et armes blanches, sa-bres notamment, entrent en jeu, sont signalées quotidiennement. Les trottoirs sont squattés au même titre que la chaussée censée être réservée aux véhicules. Mais de véhicules, il n'y en a point! Les automobilistes préférant faire de grands détours pour ne pas se frotter à ces énergumènes...Et si par malheur vous vous aventurez entre les dizaines d'articles répandus à même le sol ou vous marchez par inadvertance sur l'un de ces articles, alors, soyez sûrs que vous aurez droit à un chapelet d'insultes si vous n'êtes pas carrément passé à tabac par l'un de ces énergumènes, au vu et su vu de tous. Tel est le tableau qu'offre Annaba la Coquette à ses habitants et visiteurs. Ces squatteurs se comportent en terrain conquis. La rue Gambetta connue pour être le premier pôle d'attraction de la ville avec ses bazars et ses magasins bien achalandés est aujourd'hui livrée à de nouveaux commerçants propriétaires de magasins à ciel ouvert. Dans ce souk quotidien, on trouve de tout, du coupon de tissu à la lingerie féminine en passant par toute sorte de robes, de chaussures et de sandales sans oublier les ustensiles de cuisine essentiellement made in China. Interpellant les passants, ces vendeurs proposent leurs produits de qualité douteuse à des prix défiant toute concurrence au point de porter préjudice à l'économie locale. Les trottoirs n'arrivent plus à contenir cette marée de commerçants à ciel ouvert. Les piétons sont ainsi obligés de «jouer des coudes» avec les automobilistes pour emprunter la chaussée. Chaque «commerçant» a son «territoire». Quant à la provenance de toute cette marchandise étalée à même les trottoirs, les origines sont diverses: Dubai, El Eulma, Tadjenant...Et dans ce commerce, point de factures et encore moins de garantie. On achète et on revend sans se poser de questions. Sur les trottoirs, les cambistes, liasses de devises fortes et bijoux en mains, narguent les représentants de la loi. A la rue Maillot des milliards sont brassés et échappent à tout contrôle de l'Etat. On fait fortune en l'espace de quelques années. Les commerçants établis légalement, las de se plaindre et de voir des campagnes de nettoyage sans lendemain, se sont résignés. Certains ont même baissé à moitié leurs rideaux et s'essayent à l'informel aux abords de leurs propres magasins. Partout, le constat est le même: que ce soit au marché au blé, appelé communément «rahbat ezraa», «El Hattab» ou «Souk Ellil», sans pour autant oublier la Colonne et Pont Blanc. Chaque jour des nuées de revendeurs, de tous âges, affluent. En cette période de fin d'année, la clochardisation et l'encanaillement de la ville de Annaba ont atteint un seuil jamais égalé. Même les rues-façades de la Coquette ne sont pas épargnées. A ce rythme, toute la ville ne sera plus qu'un grand bazar où l'anarchie régnera en maître incontestable. Le prestige de Annaba est en train de sombrer. Le désordre ambiant ne fait qu'accélérer sa chute.