Même si les revendications ne se sont pas précisées, la piste islamiste, celle de l'organisation d'Oussama Ben Laden, est pointée du doigt, suite aux carnages de New York et de Washington. Pourtant, du fond des montagnes afghanes, le millionnaire saoudien, Oussama Ben Laden avait prévenu les Américains que leurs intérêts seraient ciblés. Arborant un kamis blanc et sans sa kalachnikov, Ben Laden, qui assistait tranquillement aux fiançailles de son fils Hamza, a profité des caméras de télévisions, pour menacer les Américains d'opérations spectaculaires. Menacé d'être livré par le régime des Taliban, qu'il finance également, Ben Laden n'a pas été pris au sérieux par les Américains si l'on se réfère à ces attentats inimaginables dans leur conception et leur cruauté. Pourtant, la menace Ben Laden n'a cessé de croître, depuis une dizaine d'années. Cet ancien obligé de la CIA sur laquelle il s'est appuyé pour fonder son organisation Al Qaeda, qui s'est transformée en février 1998, en l'Organisation du djihad contre les intérêts américains et juifs et qui regroupe 18 factions islamistes réunies à Peshawar, Ben Laden n'avait de cesse de vouloir «sanctionner» les Etats-Unis accusés de mener une politique pro-israélienne au Moyen-Orient, de cautionner le massacre des Palestiniens et d'avoir «conquis» les terres saintes de l'Islam à la faveur de la guerre du Golfe. Depuis l'attentat du WTC en 1993, les intérêts américains n'ont cessé d'être ciblés aussi bien à Dahran, au Yémen (le destroyer USS Cole), à Nairobi, à Addis-Abeba ou à Los Angeles (affaire Ressam). Lorsqu'en juin dernier, un officiel de la CIA avait confié que Ben Laden avait un matériel d'écoute et de décryptage électronique plus sophistiqué que celui de la NSA, l'agence d'écoute américaine qui a inventé le système «Echelon», les observateurs ont ricané. A la tête d'une fortune personnelle estimée à 300 millions de dollars dont une partie des avoirs a été gelée par les Américains dans les banques arabes, Ben Laden finançait allègrement les groupuscules islamistes mondiaux dont les contingents, des «Afghans arabes» pour la plupart, se trouvaient en Tchétchénie, en Bosnie, en Egypte, au Yémen et en Algérie. La tolérance américaine à l'égard de ces mouvements extrémistes était telle que Ben Laden préservait ses contacts avec des anciens membres de sa famille saoudienne, alors qu'il était recherché par le FBI. Il est évident qu'aucun expert de la CIA n'aurait prévu des attentats de cette envergure et à une si grande échelle, même si les avertissements se sont multipliés, depuis quelques mois, après que le confit israélo-palestinien s'est exacerbé sous la férule d'Ariel Sharon et qu'un large mouvement de protestation et de contestation de la politique extérieure américaine se faisait grandissant au sein des pays arabes. Les alertes autour des ambassades américaines se sont multipliées, mettant en alerte les forces américaines dans la région du Moyen-Orient, mais les spécialistes de l'antiterrorisme américains n'avaient pas envisagé que Ben Laden avait la capacité de frapper au coeur même de l'Amérique atteignant ses symboles de puissance tels que le WTC, le Pentagone, le département d'Etat ou la Maison-Blanche. Les Etats-Unis sont sous un choc qui va conditionner pour longtemps leur politique étrangère faite de compromission dangereuse avec le mouvement islamiste international d'un côté, et une arrogance face au processus de paix au Proche-Orient de l'autre. Les avions qui se sont écrasés ont probablement été dirigés par des commandos suicide, de jeunes islamistes nourris à l'antiaméricanisme, identiques à ceux qui se font sauter avec des ceintures de dynamite dans les rues de Jérusalem et de Tel-Aviv. Un lâchage des islamistes à un niveau international n'est pas à écarter avec une Administration Bush qui sera marquée à jamais par ce traumatisme national. Les Etats-Unis vont déclencher une guerre totale contre Ben Laden et ses réseaux, ainsi que contre les groupuscules se réclamant de cette mouvance. Des pays comme l'Algérie et l'Egypte avaient, à maintes reprises, prévenu contre les dangers de l'instrumentalisation de cet islamisme et la nécessité d'éradiquer à la base le terrorisme transnational au risque de passer pour des régimes totalitaires et antidémocratiques. Il est dramatique que les Etats-Unis prennent réellement la mesure de ce danger après un carnage inqualifiable.