La figure de l'artiste en tant qu'individu disparaîtra, il n'apparaîtra que dans ses oeuvres comme une part manquante d'un système de l'art. Sobre et émouvante, telle a été la cérémonie commémorative en hommage au regretté chanteur Katchou, lors de la clôture des journées de la chanson aurésienne, qui s'est déroulée mardi soir à la Maison de la culture de Batna. Dans une mélancolie ambiante, surtout durant la cérémonie de clôture, la décision a été prise de donner la parole aux artistes afin qu'ils puissent se faire entendre et ressusciter Ali Nasri, l'enfant prodige et tant d'autres artistes qui ont su sauvegarder leur patrimoine d'un côté, et véhiculer le quotidien de leurs concitoyens. A cet effet, les organisateurs ont fait de cette première édition, ouverte le 26 décembre dernier, marquée par des hommages à de nombreux artistes en reconnaissance de leurs efforts dans la promotion de la chanson aurésienne, une opportunité de gratitude et de reconnaissance à l'égard de ces artistes, parmi lesquels Mohand Ou Omar, Aïssa Guellil, Youcef Boukhentache, Mihoub, Aïssa Brahim, Lahcène, Bougrana Amar, Massilia, Amar Boudjniba, Nouari Nezzar, Smaïl Hellal, tous originaires de Batna, ainsi que Abdelhamid Bouzaher et Mohamed Ounisssi de Khenchela. Les chanteurs Mahboub d'El Oued, Bouzaher de Khenchela, Zineddine Bouchaâla de Constantine, Tahar Essafir de Biskra et Brahim Boussaha de Tébessa ont été les invités d'honneur de cette manifestation culturelle organisée par l'association El-Maw'id que présidait feu Katchou. Car, la figure de l'artiste en tant qu'individu disparaîtra curieusement. Désincarné, absent, aujourd'hui ou demain, il n'apparaîtra que dans les dires (témoignages des amis, des proches ou collègues de travail) et ses chansons que comme une part manquante d'un système de l'art qui serait exacerbé et hystérique. En conséquence, la programmation des concerts ne s'est pas limitée au chef-lieu, mais aussi, dans les petites villes de proximité, à l'instar d'El Madher, de Merouana et de Aïn Touta qui ont vécu, elles aussi, quatre jours durant, aux rythmes des concerts de musique aurésienne moderne et folklorique, animés aux sons de la gasba (flûte) et du bendir (instrument traditionnel à percussion), par une quarantaine d'artistes et dix groupes. Cette manifestation musicale, voulue par le défunt Katchou, aura néanmoins été marquée par une faible participation d'artistes femmes dont la présence s'est limitée à Asma Djarmoune, Souad Ech-Chaouïa, Zohra et Thafsouth, en dépit de l'existence d'une pléthore de jeunes chanteuses ayant une présence distinguée sur la scène artistique aurésienne. Les participants ont souligné, dans ce contexte, le rôle de la femme dans la préservation de ce patrimoine immémorial, comme en témoignent les parcours exceptionnels d'artistes telles que Dihia, Merkouna et Houria Aïchi qui ont été les ambassadrices de la chanson chaouie à l'étranger. Dans les campagnes, les voix féminines, accompagnées du seul bendir, continuent encore aujourd'hui à égayer les fêtes et les cérémonies collectives à travers des chansons célébrant le bonheur, l'amour, la patrie et de nombreux autres thèmes puisés de la poésie populaire. Selon Hassan Dadi, président de l'association El-Maw'id, cette manifestation sera baptisée, dès sa deuxième édition, en 2010, «journées musicales et chants des Aurès» de sorte à être «plus ouverte aux autres genres musicaux du pays». Le wali de Batna avait annoncé à l'ouverture de ces journées qu'une manifestation «grandiose» sera organisée dans les prochains mois dans cette wilaya en hommage au défunt Katchou, avec la participation de nombreuses stars nationales et internationales.