Le Pakistan pleurait hier la mort de 93 personnes victimes du plus horrible attentat commis dans le pays et survenant sur un terrain de sport. Le Pakistan était en deuil hier après le massacre de 93 villageois tués la veille lors d'un match de volley-ball dans le nord-ouest, victimes du troisième attentat suicide le plus meurtrier jamais perpétré dans le pays, qui a commencé 2010 comme il avait achevé 2009, dans le sang. Les autorités et villageois s'affairaient toujours autour des décombres de l'attaque de Shah Hasan Khan, un village du district de Bannu voisin des zones tribales où l'armée combat les taliban alliés à Al Qaîda. Ces derniers sont considérés comme les principaux auteurs de la vague d'attentats qui a fait plus de 2800 morts dans le pays depuis moins de deux ans et demi, et s'est accélérée depuis octobre, lorsque l'armée a lancé une offensive dans leur fief du Waziristan du Sud, voisin de Bannu. Les funérailles des victimes de l'attentat de vendredi après-midi devaient avoir lieu hier, a indiqué un porte-parole de la police locale, sans donner plus de détails «pour raisons de sécurité». Les autorités craignent, notamment de nouveaux attentats lors de ces rassemblements. Le kamikaze a fait exploser sa voiture, chargée de 300 kg d'explosifs selon la police, sur un terrain de volley-ball où se déroulait un tournoi entre villages organisé par le «comité de paix» local, un groupement de villageois antitaliban, qui se réunissait au même moment dans une mosquée voisine. Ce comité avait soutenu l'armée lorsqu'elle est intervenue l'an dernier pour chasser les taliban de Bannu. Quelques mois plus tard, les responsables militaires avaient annoncé que le district était délivré des rebelles. Ramzan Bittani, un chauffeur de 33 ans hospitalisé après l'attentat, assistait au match mais s'en est éloigné pour répondre à un coup de téléphone. «J'ai vu un énorme éclair bleu et blanc, suivi d'une explosion à en fendre les tympans. Lorsque j'ai réalisé ce qui se passait, j'ai vu des cadavres et de la fumée partout autour, et j'avais la main fracturée», a-t-il raconté. Anwer Khan, un étudiant de 18 ans, a vu la camionnette noire prendre de la vitesse en se dirigeant vers les spectateurs. Puis «une flamme géante est montée au ciel. Deux éclats ont frappé mon front, et j'ai commencé à saigner». Une vingtaine de maisons situées autour du terrain de volley-ball se sont effondrées, créant un paysage de désolation, jonché de gravats et de restes de murs, dans un village isolé totalement démuni en matière médicale. Dans la matinée d'hier, la police a annoncé un dernier bilan de 93 morts. «Cinq autres personnes sont décédées pendant la nuit à l'hôpital public de Lakki Marwat», la ville la plus proche, a déclaré le chef de la police de Bannu, qui avait fait état de 88 morts la veille au soir. Seules deux autres attaques suicide ont été plus meurtrières par le passé au Pakistan: celle du 18 octobre 2007 à Karachi (sud) lors du retour de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto (139 morts) et celle sur un marché bondé de Peshawar (nord-ouest) le 28 octobre dernier (au moins 118 morts). Il s'agit surtout du second attentat meurtrier de la semaine visant expressément des civils, après celui qui a fait 43 morts dans une procession de chiites lundi à Karachi (sud), revendiqué par les taliban, semblant montrer que les rebelles, actuellement acculés par l'armée dans les zones tribales, rechignent de moins en moins à frapper au coeur de la population. L'attaque a été condamnée par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui ne cessent pour ces derniers de presser leur allié pakistanais à en faire plus contre les taliban et Al Qaîda dans les zones tribales, frontalières de l'Afghanistan.