La campagne risque de compromettre une prise en charge efficace de la pandémie. L'Organisation mondiale de la santé se veut optimiste, même si elle s'interdit de crier encore victoire. La pandémie donne l'air de vouloir se calmer. Elle ne pourrait cependant être déclarée totalement vaincue que dans un peu moins d'une année. «Sur la base de mon expérience avec les nouvelles maladies et des leçons tirées des pandémies passées, je pense qu'il faut rester prudent et observer l'évolution de la pandémie au cours des six à douze prochains mois avant de crier victoire», a déclaré la directrice générale de l'OMS dans un entretien publié le 29 décembre dernier par le quotidien genevois Le Temps. Doit-on considérer que le plus dur est derrière nous? «Il est trop tôt pour affirmer que l'on a passé le pic de la pandémie de la grippe A au niveau mondial. Mais il est vrai que dans certains pays de l'hémisphère Nord comme les Etats-Unis ou le Canada, on a passé le pic de la deuxième vague de la pandémie. Mais tous les pays n'en sont pas là. L'hiver est encore long», a fait remarquer Margaret Chan. Qu'en est-il en Algérie? L'opération de vaccination qui a débuté le 30 décembre devait, en priorité, concerner le personnel médical et paramédical. Elle prendra fin aujourd'hui. Le bilan risque fort de ne pas répondre aux attentes du département de Saïd Barkat. Les médecins et le personnel soignant, dans leur grande majorité, se sont montrés réticents à se faire vacciner. La mort suspecte du médecin, chef du service réanimation de l'hôpital de Sétif, a ajouté du doute à la suspicion. La vaccination contre la grippe A, jugée indispensable et comme le moyen certainement le plus efficace pour juguler la pandémie par l'OMS, est en train de tourner au fiasco en Algérie. 650.000 femmes, sur les 850.000 enceintes, doivent être vaccinées à partir d'aujourd'hui. Combien d'entre elles s'y soumettront? Faute de communiquer efficacement, les services concernés du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière ont fini par contribuer à installer un climat de psychose. La population doute quant à l'efficacité du vaccin. Avant le premier cas détecté le 20 juin dernier, de simples communiqués laconiques n'ont cessé de se succéder donnant la nette impression que la grippe A ne nous concernait pas. D'ailleurs, l'appellation «grippe porcine» encore en usage aujourd'hui dans les médias continue à entretenir la confusion sur les origines de la maladie. Sa progression a été foudroyante. Depuis l'annonce des trois premiers cas mortels, le jeudi 26 novembre, les décès se sont succédé pour atteindre la barre des 47 décès pour 746 cas contaminés. Soit environ une moyenne de 20 décès par mois. Les moyens de détection mis en oeuvre au niveau des aéroports ont donné l'impression qu'ils étaient non seulement infaillibles mais aussi assez suffisants pour contrer toute intrusion du virus que l'on pensait ne venir que d'ailleurs. Son évolution et sa capacité de mutation ont démontré qu'il était beaucoup plus redoutable. Dans la foulée, il a été annoncé que l'Algérie allait faire l'acquisition de quelque 65 millions de doses de vaccin contre la grippe A. «Le premier arrivage de 20 millions de doses sera disponible dans les prochains jours», avait affirmé Saïd Barkat à la presse, au mois de septembre, en marge d'un cours inaugural sur la prévention de la grippe A à l'occasion de la rentrée scolaire 2009-2010. La suite est connue. La commande annoncée par le ministre de la Santé a fondu comme neige au soleil pour retomber à 20 millions dont 900.000 qui devaient être réceptionnées la première semaine de décembre. Puis ce fut le cafouillage. Des chiffres stressants, livrés par la tutelle, prévoient que 10% de la population sera contaminée d'ici la fin 2010. Quelque 3600 personnes pourraient trouver la mort. Puis il y eut le limogeage du directeur de l'Institut Pasteur en plus d'une campagne de vaccination qui avait du mal à démarrer sans qu'aucune information ne filtre. Suffisant pour que la stratégie mise en oeuvre par le ministre de la Santé pour faire face à la pandémie, soit entourée de suspicion. Les Algériens, dans leur ensemble, boudent la campagne de vaccination et s'en remettent à la protection divine en attendant que les prévisions optimistes de l'OMS se concrétisent. Et que l'Algérie soit au rendez-vous.