Avant de tirer sa révérence, Ivo de Boer a salué jeudi soir les vertus du processus onusien: «Une forte manifestation de la solidarité (qui) prend du temps, mais apporte des bénéfices réels et durables.» Deux mois après la déconvenue du sommet de Copenhague, Yvo de Boer, le plus haut responsable de l'ONU chargé du climat, a annoncé sa démission, au moment où les négociations patinent et où les experts du climat sont dans la tourmente. Secrétaire exécutif de la Convention de l'ONU sur les changements climatiques (Unfccc) depuis quatre ans, M.de Boer quittera son poste le 1er juillet, cinq mois avant la prochaine conférence sur le climat, qui doit avoir lieu dans la station balnéaire de Cancun (Mexique), a indiqué jeudi l'Unfccc qui compte 194 pays adhérents. Personnage central des conférences sur le climat, ce Néerlandais de 55 ans, fils de diplomates éduqué dans les collèges anglais dont il a gardé un accent impeccable, rejoindra le groupe de conseil KPMG. Avant de tirer sa révérence, il a pris soin de saluer jeudi soir les vertus du processus onusien: «une forte manifestation de la solidarité (qui) prend du temps, mais apporte des bénéfices réels et durables». «Il y a certainement des leçons à tirer de Copenhague pour rendre le processus plus efficace, plus transparent et plus englobant. Mais il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain», a-t-il déclaré. L'ONU a assuré jeudi que la négociation internationale sur le climat ne serait pas perturbée par le prochain départ du chef de l'Unfccc. «M.de Boer a donné sa démission de manière à permettre au secrétaire général (de l'ONU) de nommer un nouveau secrétaire exécutif en temps voulu pour assurer que le processus de négociation ne soit pas sérieusement perturbé», a déclaré à la presse à New York Janos Pasztor, un responsable onusien pour les questions climatiques. «Ce départ ajoute au sentiment de flottement et d'hésitation, on aura tendance à l'interpréter comme une conséquence de Copenhague et des démêlés du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec)», reconnaissait jeudi un diplomate européen. Le Giec, dont les conclusions servent de référence aux négociations internationales, fait l'objet d'une multitude d'attaques, sur ses méthodes de travail, ses résultats, ou encore la personnalité de son président, l'Indien Rajendra Pachauri. Situation embarrassante pour un organisme créé il y a plus de 20 ans et auréolé d'un prix Nobel de la paix, le Giec a dû admettre en janvier qu'il avait commis une «regrettable erreur» en affirmant, dans son dernier rapport, que les glaciers de l'Himalaya «pourraient disparaître d'ici 2035, voire avant». Ces imprécisions sont largement utilisées par les climato-sceptiques, à un moment où la négociation sous l'égide de l'ONU peine à redémarrer. Pour Wendel Trio, de Greenpeace International, la démission de M.de Boer démontre avant tout à quel point son poste est «extrêmement difficile». «Tout ce qui s'est passé à Copenhague avec la présence de 128 chefs d'Etat avait créé d'énormes attentes et les regards étaient braqués sur le secrétaire général de l'Unfccc pour qu'il obtienne un résultat», souligne-t-il. Négocié par une vingtaine de chefs d'Etat dans les dernières heures du sommet, l'accord de Copenhague fixe comme objectif de limiter à deux degrés la hausse moyenne de la température de la planète mais reste très évasif sur les moyens d'y parvenir, ne donnant aucun objectif chiffré à court terme (2020) ou moyen terme (2050). Tous les regards sont maintenant braqués sur le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon qui doit désigner le successeur d'Yvo de Boer. A la tête de l'Unfccc «il n'y a eu jusqu'ici que des gens du Nord, il est probable et souhaitable que ce soit quelqu'un du Sud», a estimé un négociateur européen pour qui le véritable problème actuel des négociations sur le climat est en réalité «un manque cruel d'impulsion politique». «Aujourd'hui, la question est de savoir qui pilote, qui donne le la», a-t-il dit.