Le Conseil des ministres, lors de sa réunion hebdomadaire mercredi, n'a pas dit un mot sur l'état de santé du président, relançant toutes les rumeurs et spéculations sur la situation au sommet de l'Etat. Dix jours après son retour surprise au Nigeria après son hospitalisation à l'étranger, le président Umaru Yar'Adua n'a toujours pas été vu en public et les interrogations sur la direction du pays, assurée par son vice-président, sont toujours aussi vives. Le pays est devenu «une sorte de no man's land», résume l'analyste politique Chidi Odinkalu, exprimant les interrogations relayées quotidiennement par la presse: qui gouverne? quel est l'état de santé réel du président, en fonction depuis avril 2007? Hospitalisé trois mois en Arabie saoudite pour une grave affection du coeur, M. Yar'Adua, 58 ans, est rentré par surprise au Nigeria dans la nuit du 23 au 24 février. Mais il est resté invisible, et aucun responsable politique ne l'a officiellement rencontré depuis. Seul un de ses cousins, Zubaru Ali, a affirmé mercredi dans une interview à la chaîne Al Jazeera, que le président était en état «de marcher, de parler et de manger». Le Conseil des ministres, lors de sa réunion hebdomadaire mercredi, n'a pas dit un mot sur l'état de santé du président, relançant toutes les rumeurs et spéculations sur la situation au sommet de l'Etat. Le 10 février, le vice-président Goodluck Jonathan est devenu président par intérim, à la demande du Parlement qui craignait que l'absence prolongée du chef de l'Etat ne plonge dans le chaos le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et 8e exportateur mondial de pétrole. Mais cette situation, déjà contestée par des juristes et certains membres du gouvernement, est rendue encore plus incertaine par le retour au Nigeria de M. Yar'Adua. Sa présence «est comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête» de M.Jonathan et pourrait préluder à un «désastre», a estimé mercredi Lai Mohammed, le porte-parole du principal parti d'opposition Action Congress (AC). Si, pour une raison ou pour une autre, M.Jonathan est empêché d'exercer effectivement les fonctions présidentielles, le Nigeria «sera plongé dans une nouvelle crise constitutionnelle, aux conséquences terribles», a-t-il dit. L'opposition estime que le statu quo actuel empêchera M.Jonathan de gouverner et de prendre des mesures sur les dossiers prioritaires. Pour certains analystes, ce statu quo risque cependant de se prolonger, dans la perspective de l'élection présidentielle prévue début 2011, et pour ne pas transgresser la règle tacite de l'alternance du pouvoir entre le nord majoritairement musulman et le sud à dominante chrétienne. Conserver, même symboliquement, à M. Yar'Adua (un musulman du Nord) son titre de président «peut désamorcer les tensions», analyse Mike Oddih, professeur de science politique à l'université Nnamdi Azikiwe, dans l'Etat d'Anambra (sud). «Il existe beaucoup de tensions dans la vie politique nigériane. Les facteurs militaires, ethniques, régionaux, sont imbriqués», a-t-il poursuivi. M.Jonathan, un chrétien du sud, ne s'est pas impliqué dans le débat actuel. «Le président par intérim ne veut pas apparaître comme un opportuniste essayant de profiter de la situation», selon M.Oddih. Le Nigeria a été marqué par de nombreux coups d'Etat militaires et les civils n'y ont repris le pouvoir qu'en 1999.