| 15.04.10 | 15h40 Mais où est donc passé Abdelaziz Bouteflika ? Le chef de l'Etat algérien a disparu de la scène internationale. Ou plutôt, il apparaît par éclipses, et jamais où on l'attend. Absent, les 12 et 13 avril, du sommet de Washington sur la sécurité nucléaire dans le monde, où l'Algérie était invitée, il accueille au même moment, à Alger, son homologue vietnamien, Nguyen Minh Triet, venu, le temps d'une visite de trois jours, consolider les relations bilatérales et développer les partenariats économiques. Depuis des mois, délaissant les longs discours qu'il affectionne, M. Bouteflika ne s'est plus adressé aux Algériens. Et, depuis le 30 décembre 2009, il n'a plus présidé un seul conseil des ministres. Cette effacement étonne. « An I du troisième mandat. A l'état stationnaire », titrait, le 8 avril, le journal francophone El Watan, à la veille de la date anniversaire de sa réélection en 2009, dix ans après son arrivée au pouvoir. « Le chef de l'Etat, qui s'est « offert » tous les pouvoirs à la faveur de la révision de la Constitution, se fait de plus en plus rare, relevait le quotidien. Lui qui aime tant occuper le devant de la scène politico-médiatique a brillé par son absence. » Ce retrait du président algérien passe d'autant moins inaperçu que le pays connaît de plus en plus de difficultés : scandales liés à la corruption, qui ont été jusqu'à ébranler la Sonatrach, l'entreprise emblématique de l'Algérie, gestionnaire de ses ressources en pétrole et en gaz ; assassinat du directeur général de la sûreté nationale ; nouvelle crise des relations avec la France ; croissance économique morose. Le tout, sur fond de tensions sociales et de manifestations. « Tout est figé, c'est effrayant », s'alarme un industriel occidental. Cette situation alimente, en retour, les rumeurs les plus folles sur la santé du président de la République algérienne, 73 ans, qui avait subi une intervention chirurgicale en France fin 2005. Quand ce n'est pas lui, c'est son frère Mustapha, malade, qui est visé. Au plus fort de ces rumeurs, M. Bouteflika a réagi, en s'affichant, le 3 mars, avec Zinedine Zidane, le footballeur français d'origine algérienne venu disputer un match amical de futsal (football en salle). Entouré de deux de ses frères, Mustapha et Saïd, son cadet, parfois présenté comme un successeur possible, le chef de l'Etat a déclaré avec le sourire devant les caméras : « Il y a mes frères d'un côté, les frères et le père de Zidane de l'autre, toute la famille est là, c'est pour ça que je dis que c'est une visite familiale. » Le site Internet officiel de la présidence de la République algérienne recense avec soin les activités d'Abdelaziz Bouteflika, et notamment les visites qu'il reçoit, photos à l'appui : Mohamed Naji Otri, le président du conseil des ministres syrien le 12 avril, le ministre américain de la justice le 7, le président du Sénat mexicain le 31 mars… Mais, à y regarder de près, ces visites sont espacées, et son dernier déplacement à l'étranger a eu lieu à Syrte, en Libye, le 26 mars, lors du sommet arabe. Et toujours peu, ou pas, de déclarations. Du coup, les chancelleries étrangères en sont réduites à guetter le moindre signe, ou, parfois, les comptes-rendus que veulent bien faire ses interlocuteurs. Reçu le 23 mars, Christopher Ross, l'émissaire de l'ONU sur le Sahara occidental, s'est entretenu avec le président algérien pendant deux heures et l'a trouvé « très en forme ». Le chef de l'Etat est-il isolé ? Est-il menacé par une guerre de clans au sommet de l'Etat, la toute-puissante direction du renseignement (DRS, l'ancienne sécurité militaire) menant l'enquête au sein de la Sonatrach, qui est dirigée par l'un des proches de M. Bouteflika ? Ce diplomate ne le croit pas : « Ce serait une lourde erreur de penser que l'on peut contourner Bouteflika. » Mais, ajoute-t-il, ce qui se passe dans les dossiers de corruption est « un signal » envoyé par les services de renseignement au président. Il y a une énigme Bouteflika.