A quelques heures de son départ sur Paris pour prendre part au sommet France- Afrique dont les travaux s'ouvrent ce matin, le chef de l'Etat a présidé, hier après-midi, un Conseil des ministres d'urgence. Cette surprenante réunion est intervenue au lendemain de l'annonce de la décision de deux jours de grève par la Centrale syndicale. A Tébessa où il a prononcé un discours-fleuve, Abdelaziz Bouteflika n'a pas soufflé mot sur ce débrayage décidé par l'organisation que dirige Abdelmadjid Sidi Saïd. Le protocole et les formalités d'usage n'ont pas été respectés lors de la convocation de la réunion d'hier. Certains ministres n'ont été contactés qu'hier matin par les services de la présidence pour les informer de la tenue du Conseil. D'autres membres du gouvernement, notamment les plus proches du chef de l'Etat, ont eu vent de l'information quelques minutes après l'arrivée de Bouteflika à Alger, de retour de son voyage dans les Aurès. L'option prise par l'UGTA a, susurre-t-on dans les milieux politiques algérois, chamboulé tous les calculs du Président qui ne veut certainement pas attendre son retour de la capitale française pour désamorcer la bombe sociale posée par les syndicalistes. C'est un cabinet de crise qui a été réuni hier au palais d'El-Mouradia pour examiner les voies et moyens de faire face à cette “protestation politique”. A l'heure où nous mettons sous presse, rien n'a filtré sur les débats et encore moins sur les décisions prises par le Conseil des ministres. Le caractère d'urgence et l'effet de surprise, auxquels il faut ajouter le black-out qui a entouré cette réunion, ont suscité, hier après-midi, des rumeurs dans les milieux politiques. Alors que certains observateurs ont avancé la thèse d'un Conseil des ministres ordinaire convoqué pour adopter certains dossiers différés lors de la dernière réunion, comme l'épineuse question relative à la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger et la décision d'institution d'un mufti de la République, d'autres assurent qu'il s'agit en fait d'un rendez-vous convoqué au pied levé pour gérer la situation induite par l'annonce de l'action musclée de la Centrale syndicale. Certaines sources sont allées plus loin dans l'extrapolation et la spéculation en parlant d'une réunion pour sermonner le gouvernement et annoncer un remaniement ministériel qui “couve depuis le ramadhan dernier”. Ces observateurs ont lié la tenue de cette réunion au mécontentement exprimé par le chef de l'Etat sur le rendement de certains ministres. Depuis les auditions de décembre dernier, Bouteflika n'a pas cessé de relever les dysfonctionnements et le faible bilan du gouvernement de Benflis, lequel est miné par une guerre de prérogatives et les “crises d'humeur”. L'absence de cohésion et le non-respect de la règle de solidarité gouvernementale ont grandement influé sur le bilan d'un Exécutif qui dispose pourtant de plusieurs atouts matériels et humains et qui bénéficie d'une conjoncture économique favorable à la réalisation de ses objectifs. M. A. O.